[PORTRAIT] 8 Rue 10120, Dubosville (1/3)

Le Club Africain s'apprête à fêter son centenaire le 4 Octobre. L'occasion pour Ettachkila de revenir sur les célèbres fratries qui ont composé l'ossature du CA de la fin des années 1980 jusqu'au milieu des années 1990..

Tout les chemins mènent à Dubosville

Lorsque les années 1990 sont évoquées par des nombreux spécialistes et amoureux du beautiful game en Tunisie, elles sont synonymes de nostalgie d’une période où la Ligue Professionnelle 1 (qui ne portait pas encore cette appellation ) fût un championnat avec des clubs ayant des effectifs conséquents et de qualité. Qu’on le veuille ou non, cette décennie aura été celle de la reconnaissance du football de clubs (tunisiens bien entendu) aux yeux de toute l’Afrique et par extension au monde avec la coupe d’Afrique des nations 1996 en Afrique du Sud et la qualification deux ans plus tard au Mondial 1998 en France.
Une année a attiré notre attention pour ce papier : la saison 1991-1992 où le Club Africain remportera le quadruplé (Roubaia) avec dans ses rangs une majorité de joueurs du cru, bercée au Parc A-Mounir Kebaïli. Parmi l’effectif clubiste, plusieurs frères (de sang) ont marqué l’histoire des rouges et blancs et resteront à jamais indissociables du CA et de ses différentes bastions..

Aujourd’hui nous-nous rendons dans un quartier populaire de Tunis : Dubosville pour évoquer le récit des frères Rouissi.

Lotfi Rouissi, « Il Trequartista »

Lotfi Rouissi intègre le Parc A en 1977 et va rapidement montrer son aisance technique au sein de l’académie du Club Africain. Il jouera son premier match lors d’un Étoile – Club Africain (0-0) en 1984-1985 sous les ordres du technicien hispano-hongrois André Nagy et marquera ses premiers points avec les Biancorossi en inscrivant un hat-trick face au Club Olympique des Transports durant le même exercice. M’rad Mahjoub (sélectionneur des U-20 en 1985) l’emmènera naturellement dans les 22 pour la coupe du monde organisée en ex-URSS où Lotfi Rouissi occupera une place de titulaire.

Le milieu continue sa progression du côté de Bab Jedid, s’impose comme un élément clé dans le team Tunisie et aura même le privilège de connaître sa 1e sélection contre la Sierra Leone (0-1) en 1987. Par la suite, Lotfi Rouissi prend place dans le onze tunisien et se montre très complémentaire dans un entre-jeu en losange avec Mondher Baouab, Adel Smirani, Nabil Maâloul, tout en apprenant aux côtés de l’excellent Tarak Dhiab. Après une participation respectable aux Jeux Olympiques de 1988 à Séoul, le joueur revient du côté de Tunis avec un nouveau statut de joueur important de la sélection (36 matchs pour 3 buts) et mettra au profit de son club sa technique et sa vision de jeu hors-norme.

« Lotfi analysait les situations sur le terrain avec une avance sur ses coéquipiers et ses adversaires »

Kaïs Yaâkoubi, attaquant au Club Africain (1986-1990)

Le métronome du Club Africain sera l’un des artisans de l’épopée en Arab Club Champions Cup 1988, qui, malgré la défaite en finale face aux saoudiens d’Al Ettifaq (1-1, 4-2 tab), a forgé le caractère d’un groupe clubiste assez jeune et prometteur.. Suivra ensuite une décennie faste pour les coéquipiers de Lotfi Rouissi, avec deux trophées de champion LP1 en 1989-1990 et 1995-1996, une finale de African Winners Cup 1990 contre BBC Lions (4-1 agg), la Roubaia 1991-1992 (Quadruplé ndlr) et un titre de Arab Winners Cup en 1995 (0-1 ap).. Un palmarès très riche, au bout d’une belle carrière du métronome du Club Africain.

Adel Rouissi, « Il Discreto »

Adel est le premier de la fratrie des Rouissi à avoir intégré l’effectif « pro » du Club Africain en 1983. Latéral correct, il commença sous les ordres de Mokhtar Tlili et s’imposa comme joueur de complément sur le côté droit de la défense clubiste. Incontestablement le plus discret des trois, Adel Rouissi possède un palmarès aussi impressionnant que ses frères avec deux championnats de Tunisie en 1990 et 1992, une finale d’Arab Club Champions Cup, une finale d’African Winners Cup en 1990, une CAF Champions League en 1991, une coupe de Tunisie en 1992 et bien sûr la défunte coupe afro-asiatique 1992 gagnée face aux saoudiens d’Al-Hilal (4-3 agg). Et c’est d’ailleurs après cette saison faste, que le latéral prendra sa retraite : seul bémol durant sa carrière, est ne pas avoir eu l’honneur de porter le maillot de la sélection.

Mokhtar Rouissi, il « Giovane »

Le plus jeune de la fratrie, Mokhtar Rouissi ne réussira pas une longue carrière au sein de son club formateur, la faute à une forte concurrence dans les années 1990. L’attaquant joue son premier match avec l’équipe première du Club Africain au cours de la saison 1992-1993 (victoire 10-0 face au Dahmani Athletic Club en 1/16e de coupe) mais n’y reste que peu de temps. Hélas le joueur n’aura pas remporté de trophée majeur avec son club de cœur mais bon, un autre Rouissi s’en chargera..

Faouzi Rouissi, la « Macchina »

Nous sommes en 1981, en rejoignant le Club Africain, le gamin de Dubosville alors âgé de 10 ans ne se doutait pas qu’il allait occuper une si grande place dans le cœur des tifosis du club de Bab Jedid. Faouzi Rouissi connaîtra son premier match avec les « pro » sous la houlette de l’entraîneur azerbaïdjanais Kazbek Tuaev en 1988 lors de la réception de l’Avenir Sportif de Kasserine (0-0) au stade Chedly-Zouiten, et marquera son premier but face au Stade Tunisien quelques semaines plus tard. Lors de cette saison, le CA terminera finaliste de la Arab Club Champions Cup face à Ettifaq (1-1, 4-2 tab).. À seulement 16 ans, la machine est lancée, au fur et à mesure des saisons, le numéro 7 s’imposerait comme un joueur important du championnat (meilleur artilleur avec 18 buts lors de la saison 1989-1990) et goûterait aux premières sélections avec l’équipe de Tunisie en qualifications pour la CAN 1990 (organisée en Algérie, elles se sont soldées par deux revers face au Sénégal (0-4 agg))

Faouzi connaîtra aussi sa première finale de Coupe contre le rival l’Espérance, et malgré le revers essuyé (2-0), il continuera son apprentissage. Printemps 1990, pour son retour au Parc A le Club sera sacré lors de l’ultime journée au stade Abdelaziz-Chtioui (0-1) puis atteindra la finale de la Coupe d’Afrique des Vainqueurs de Coupe face aux nigérians de BBC Lions (4-1 agg). Après un transfert avorté chez Leeds United et une saison en deçà des attentes des supporters, Faouzi Rouissi fera partie des éléments clés de la victoire lors de la fameuse Roubaia (quadruplé ndlr) en marquant notamment un doublé ô combien important lors de la demi-finale aller de Champions League 1991 face au N’Kana Red Devils (3-0) d’un certain Kenneth Malitoli. Cette année, le CA remporte le championnat encore une fois lors des dernières journées contre le Club Athlétique Bizertin (1-0) et la coupe 1992 face au Stade Tunisien (2-1) puis la coupe Afro-Asiatique contre Al-Hilal (4-3 agg).

Le moment était venu pour le joyau de Dubosville de tenter sa chance en Europe. Faouzi Rouissi signe en faveur du Stade Malherbe de Caen puis ira en Arabie Saoudite chez Al Riyad Sport Club. Entre temps, le joueur fait partie de la sélection qui participera à la CAN 1994 organisée en Tunisie. Alors au top de sa popularité comme en témoignent les « Ya Faouzi » (chants des supporters de la sélection entonnés dans les travées d’El Menzah), Faouzi Rouissi sera témoin, avec ses coéquipiers, du cuisant échec de la Tunisie durant le tournoi.

Usé mentalement par ce fiasco, Faouzi décide de revenir dans son club formateur. Avec le CA, le joueur retrouve l’envie de gagner, de jouer au ballon et marquera des golazo qui resteront dans la mémoire collective (comme celui du Derby Tunisois en coupe 1998 face au grand Chokri El Ouaer). Sur les cinq années (1995-2000) son palmarès s’étoffe : finale de coupe d’Afrique des vainqueurs de coupe 1999 (2-1 agg contre Africa Sports), une victoire en Arab Champions League 1997 (2-1 face à Al Ahly), une 2e place en Arab Supercup 1998, un trophée de Arab Winners Cup en 1995 (0-1 sur la pelouse du Stade Olympique de Sousse devant l’Étoile), un championnat en 1996 et deux coupes en 1998 (1-1, 4-3 tab contre l’Olympique de Béja), 2000 (0-0, 4-2 tab contre le Club Sportif Sfaxien), et disputera aussi une finale perdue en 1999 (2-1 ap. pour l’Espérance).

Malgré ces succès, cette période sonnera la fin de son aventure internationale avec la sélection. Bien que starter lors de la CAN 1998, le joueur n’est pas dans la liste des 23 d’Henryk Kazperszcak pour le Mondial en France, et sa dernière cape a été lors de la défaite contre le Burkina Faso (1-1,7-8 tab) en quarts de finale de la coupe d’Afrique des nations 1998.

Le joueur tente une expérience en 2.Bundesliga chez le SpVgg Greuther Fürth et part la saison suivante pour les Émirats Arabes Unis du côté d’Al Wehda sans connaître de succès. Le numéro 7 revient finir sa longue et riche carrière au Club Africain en terminant finaliste de la Arab Champions League 2002 (2-1 contre Al Ahli) et de la coupe 2003 perdue face au Stade Tunisien (1-0).. Une fin de carrière en guise de clap de fin pour cette famille Rouissi issue d’un quartier populaire et qui aura marqué des milliers de jeunes de Tunis et d’ailleurs.