L'Espérance sort d'une saison 2020 riche qui a été ponctuée de succès mais qui a aussi mis en lumière certaines lacunes...Retour sur une édition 2019/20 tout en paradoxes.
C’est un peu la question qui doit trotter dans l’esprit de la direction de l’Espérance Sportive de Tunis et du giron de ses supporters. À l’issue d’une saison conclue par une défaite en finale de Coupe contre l’USMo, l’heure du bilan a sonné et plusieurs enseignements sont à tirer de cette saison exceptionnelle marquée du sceau du Covid.
Deux finales, deux scénarios diamétralement différents
Au bout d’une saison qui les a vu survoler le championnat, les poulains de Mouine Chaabani (à l’encontre duquel les critiques étaient grandissantes malgré un championnat remporté sans la moindre défaite) ont dû jouer en l’espace d’une semaine deux matchs à enjeu : une première finale ponctuée par une victoire aux tirs au buts face au CSS et une seconde où l’USMO a su dominer l’EST et la priver de victoire en coupe synonyme de doublé manqué. Deux matchs qui ont montré deux visages très distincts de cette équipe qui a aligné les performances en dents de scie notamment pendant la phase de restart.
Si la finale de Rades a vu une production de jeu intéressante et une domination sur l’ensemble de la rencontre, celle de Monastir a mis en exergue les problèmes rencontrés cette saison : de grandes difficultés à créer du jeu dès lors que l’organisation adverse verrouille les circuits préférentiels de l’Espérance, un manque d’impact au milieu de terrain malgré la présence de Coulibaly – meilleur joueur avec Badrane sur l’ensemble de la saison- et des défaillances dans le secteur défensif dues à des erreurs individuelles récurrentes et l’absence d’alternatives rassurantes aux cadres.
La mini fronde qu’ont connu les Sang & Or malgré une série de matchs sans défaite sur l’ensemble du championnat n’a pas été dissipée par le gain de la Super coupe. Pire, la défaite en finale de coupe a décuplé la pression d’un public ultra exigeant et mis en exergue les défis futurs que connaitra le club.
Des choix sportifs structurants pour la suite
Sur l’aspect sportif et le management, deux scénarios sont envisageables. Un premier qui favoriserait la continuité avec l’équipe actuelle et qui verrait Moine Chaabani construire l’acte 2 de son histoire sur le banc, ou un deuxième qui verrait arriver un nouveau staff technique comme réclamé par de nombreux fans. Une réorganisation du management sportif fait partie des options qu’analyse le board espérantiste en quête de modernisation et de renouveau. La nomination d’un entraineur en chef et d’un directeur sportif est à l’étude et permettrait au tandem de définir une feuille de route à la hauteur des exigences du club et de ses objectifs (notamment à l’international).
Si les grosses écuries égyptiennes et marocaines montrent sur cette saison leur retour au premier plan, les clubs du Moyen-Orient qui drainent énormément de joueurs maitrisent eux aussi parfaitement les nouvelles règles du jeu du marché des transferts. Face à un vivier de joueurs locaux très scrutés en dehors des frontières et des opportunités sur le continent de plus en plus limitées du fait de la concurrence, le football nord-africain est en pleine mutation. Preuve de ces nouvelles évolutions, la nomination de Pitso Mosimane -ex coach de Sundowns et sélectionneur de l’Afrique du Sud à maintes reprises- à la tête d’Al Ahly. Le club qui avait pour habitude de s’appuyer sur des techniciens locaux ou européens, s’est tourné cette fois-ci vers l’expérimenté sud-africain pour mener les coéquipiers de Mohamed El-Shenawy vers la victoire en ligue des champions. Le club de Bab Souika devra faire un choix réfléchi en prenant en compte les facteurs de complexité qui dictent ce début de saison (situation sanitaire en Tunisie et capacité à travailler dans un environnement stressant, parfois hostile en club).
Les atouts de la jeunesse..
Quel que soit le scénario final, une chose est sure, une nouvelle génération est entrain d’émerger et le staff technique lui a donné un temps de jeu conséquent ce qui a permis d’élargir le groupe pro lors du restart. On pense à Mimouni, Ben Hammouda et Mosrati mais également aux autres qui ont eu moins d’occasions de se montrer : Berrima (buteur pour sa première titularisation), Ben Hamida (auteur d’une bonne prestation contre Metlaoui), Tougai (qui suscite beaucoup d’espoir chez nous mais également chez nos voisins algériens) et Badra Mouelhi. Il sera intéressant de voir comment l’Espérance intégrera ces jeunes surtout quand on sait que le public Sang & Or n’attend pas et que certaines expériences précipitées ont vu de grands talents se brûler les ailes à l’orée de leur carrière (on pense surtout à Moez Abboud)
L’intégration de ce sang neuf intervient peut-être bien au bon moment au sein de cette équipe qui peut se reposer sur une colonne vertébrale solide et expérimentée : Ben Cherifia, Badrane, Coulibaly et El Houni vers qui on va nécessairement se tourner pour leader techniquement ce beau monde. Le timing est aussi adéquat car ces jeunes offrent des alternatives là où l’Espérance en a besoin :
- La percussion tout d’abord avec de belles prestations de Mimouni particulièrement en vue sur son aile gauche. Il vient garnir un secteur offensif fourni certes mais qui nécessite des solutions de rechange qui permettront de ne pas rester prisonnier de cette « Houni dépendance » déjà beaucoup trop constatée.
- Un profil différent de Khenissi (et de Marzouki) en la personne de Ben Hammouda qui, notamment grâce à son but face à l’USMO en championnat, a peut-être lancé sa saison 2020-2021 avec un peu d’avance.
- De la solidité derrière et des alternatives avec Ben Hamida qui postule à un poste d’arrière gauche (un poste « orphelin » depuis le départ de Aymen Ben Mohamed) ainsi que Tougai (sauf départ en pret) qui viendrait concurrencer la charnière Yaakoubi-Badrane.
Aux jeunes pousses donc de confirmer les promesses de cette fin de saison qui permettra d’insuffler un vent de fraicheur dans un effectif qui en a besoin.
Des choix extra-sportifs pour entrer dans une nouvelle ère
L’Espérance est aussi à la croisée des chemins tel qu’on a pu le déceler lors des déclarations de Riadh Bennour lors de son intervention sur la chaine Ettessaa après le sacre en championnat. Les revenues fixes générés par Taraji Mobile et la prolifération des stores sur l’ensemble du territoire apportent des garanties financières dont peu de clubs peuvent se targuer. Néanmoins, plusieurs autres pistes d’investissements/projets sont en gestation. Tout d’abord un nouveau complexe sportif ; plus moderne et plus adapté à la dimension du club. Ensuite, celle du stade, élément prépondérant en termes de revenues mais également en termes d’attractivité. Si cet aspect dépasse le périmètre de décision du club, la question reste posée et le nouveau stade à Sousse est un exemple à suivre. Enfin en parallèle de tout le succès sportif, l’exposition de l’Esperance à l’international sera certainement un sujet en haut de la pile de H.Meddeb. À la suite d’un centenaire somme toute réussi, la marque Espérance tarde à décoller au-delà de nos frontières si ce n’est par les initiatives des supporters. La digitalisation fait aujourd’hui partie intégrante de la communication des clubs et les initiatives telle que la vidéo de la prolongation d’El Houni sont les premières pièces d’une nouvelle politique de communication du club qui est appelé à se développer.
Au moment d’aborder ses 102 ans, le club de Bab Souika devra se renouveler comme il a pu le faire auparavant. Sa direction devra s’appuyer sur ses succès nationaux et continentaux récents sans perdre de vue la perspective de la concurrence nouvelle à laquelle il devra désormais faire face.