C'est désormais officiel : après moults rebondissements, Radhi Jaidi a été désigné comme nouvel entraineur de l’Espérance Sportive de Tunis. Malgré l'ardente volonté du Cercle de Bruges de le garder, le choix du cœur a prévalu pour aboutir à un retour au bercail après 17 ans d'exil dont 11 ans dans le «Backroom Staff» de Southampton et une mémorable première expérience comme head coach à la tête de Hartford Athletic. Ettachkila vous propose de (re)découvrir les influences et la méthode Radhi Jaidi à l'orée de son nouveau challenge..
Le retour de toutes les espérances
La récente arrivée de Radhi Jaidi au club de Bab Souika a suscité l’unanimité et beaucoup d’enthousiasme chez le public Sang & Or. Ce dernier attendait un choix fort de la part de son président Hamdi Meddeb pour la succession de Mouine Chaabani. Si plusieurs noms ont circulé ces derniers jours dans les coulisses du Parc Hassen Belkhouja, la nomination de Jaidi est venue mettre fin à toutes ces tractations et ouvrir un nouveau chapitre dans l’histoire du club.
Cette unanimité autour de l’enfant du club sonne comme une envie de nouveauté, une volonté commune de rêver plus grand. Car, si le recrutement du natif de Gabès est un choix technique important, c’est surtout un vrai Upgrade pour l’Espérance qui se dote d’un manager à l’anglaise avec comme principal objectif de donner une nouvelle orientation à un club en net besoin de restructuration.
Depuis plusieurs saisons, sous l’égide de l’homme fort de l’Espérance, Hamdi Meddeb, le club a su se hisser à un standing élevé au niveau continental. Le double champion d’Afrique (2018-2019) s’est toujours donné les moyens de ses ambitions en déboursant des fonds considérables sur les marchés des transferts. Cela lui a permis de montrer sa capacité à attirer des joueurs de très bonne qualité. Cependant, et depuis quelques mois, beaucoup d’interrogations s’étaient levées autour de leur adaptation, leur développement et plus globalement le rendement de l’équipe (qui a fini par devenir très prévisible). Ce qui a suscité une large insatisfaction chez un public Sang & Or connu pour sa très grande exigence.
En cela, Radhi Jaidi est conscient du poids de sa nouvelle responsabilité et sa mission à la fois particulière et très challengeante. La question qu’on peut alors se poser est donc avec quels outils et méthodes le champion d’Afrique aborde t-il ce nouveau projet ?
Décryptage des contours de « la nouvelle Espérance de Jaidi ».
Les écoles et les influences
Ayant appris aux côtés d’entraineurs leaders et créateurs, l’ancien de Bolton, Birmingham et Southampton en Premier League est resté particulièrement sensible à la flexibilité et au jeu attrayant de Mauricio Pochettino, à la stratégie de la gagne de José Mourinho, et au sens du détail de Ralph Hasenhüttl (l’actuel coach de Southampton, avec qui Jaidi a travaillé pendant un an et demi, ndlr).
Le nouveau head coach de l’Espérance ne cache pas non plus son admiration pour Julian Nagelsmann (actuel coach du Bayern) dont le style de jeu, l’audace et la capacité d’influence l’inspirent beaucoup. Des différentes interviews qu’a accordées Radhi Jaidi aux médias, on peut déduire qu’il a à la fois intégré les expérimentations du RB Leipzig (des schémas en 3-3-3-1, 4-2-2-2 ou encore en 3-4-3 « narrow ») et le système de jeu ambitieux de Pochettino (attaque en possession et contre-pressing à la perte de balle) en vue de créer sa propre identité.
Suite à ses expériences à la tête de l’Académie des Saints et surtout en tant que head coach de Hartford Athletic, qu’il mènera aux Playoffs de l’USL Championship pour la première fois de son histoire (avec un schéma en 3-5-2), Radhi Jaidi a développé son propre style et sa propre personnalité. Sa philosophie ? Que ses équipes lui ressemblent en prenant des risques et en jouant un football ambitieux, basé sur des principes modernes, un pressing haut et beaucoup d’intensité (avec ou sans ballon). Lors de sa première conférence de presse depuis son arrivée à la tête de l’Espérance, Jaidi n’a pas manqué de rappeler que les Sang & Or devaient gagner leurs matchs « avec une manière qui satisfait le staff et le public.».
Tout ceci nous laisse penser que Radhi Jaidi apportera beaucoup de fraicheur tactique et d’exigence physique à l’équipe. Reste à savoir la capacité de ses joueurs à s’adapter à ces nouvelles méthodes.
« Je m’adapte à la qualité des joueurs que j’ai à ma disposition pour pouvoir les développer, j’exige d’eux qu’ils incarnent cette philosophie sur le terrain.»
La méthode et les convictions
Fort d’une approche analytique par la data et le diagnostic de la performance, le titulaire du diplôme UEFA Pro Licence (au sein de la promotion Frank Lampard et Juan Osorio notamment) entend amener un saut qualitatif dans la gestion et l’encadrement de ses joueurs. Si la question de l’adaptation à un contexte local (duquel il est resté éloigné) s’est légitiment posée, Radhi Jaidi a déclaré avoir clairement défini ses priorités et affirmé ses exigences à ses joueurs lors de sa première prise de contact au sein du Parc B.
À l’heure où nous écrivons ces lignes, le staff composé de Hamdi Kasraoui (entraineur des gardiens) et de Majdi Traoui (qui a assuré le démarrage de la préparation d’avant-saison) a été renforcé par un nutritionniste en attendant la nomination d’un analyste vidéo, d’un entraineur adjoint principal (dont la mission sera de compléter Radhi Jaidi sur des axes définis) voire d’un préparateur mental. Le nouveau coach l’a d’ailleurs bien affirmé lors de sa première conférence de presse, il ne veut rien laisser au hasard au niveau du suivi des joueurs. Une méthode qu’il résume par « Observe, Challenge and Support » et qui permet à ses collaborateurs et à ses joueurs de mieux performer à travers l’objectivation de leur rendement.
Autre fait important : une évaluation (assessment) sera faite par le coach Sang & Or auprès de plusieurs membres du staff technique. On s’attend donc à ce que ce staff soit étoffé au plus vite, et connaissant le niveau d’exigence de Jaidi et l’environnement dans lequel il fait évoluer ses joueurs, il prendra le temps de choisir ses hommes de confiance.
« Mon job est de maintenir un niveau d’engagement mental élevé à travers ma communication avec les joueurs mais aussi de les responsabiliser tactiquement.»
Nul doute que cette approche prévaudra également dans le recrutement. Un noyau dur de joueurs (jugé respectable par le nouveau coach Sang & Or) existe mais il y a clairement un écart à combler avec les recrutements haut de gamme des géants égyptiens / marocains. Certains postes sont déjà identifiés avec la direction pour être vite renforcés, en attendant de mettre en place une (vraie) cellule de recrutement sur la durée, capable de faire du scouting et du suivi pour éviter les erreurs de casting des derniers mercatos.
Les premiers choix de Jaidi seront donc décisifs que ce soit sur le plan tactique ou celui du développement. Une officialisation a déjà eu lieu avec l’arrivée du premier renfort Sang & Or pour la saison 2021/22: le nigérian Anayo Iwuala, en attendant d’autres arrivées en attaque et en défense.
Un contexte particulier et des attentes élevées
Radhi Jaidi, qui a paraphé un contrat de deux ans avec l’Espérance, aimerait s’inscrire dans un projet de transformation en douceur tout en restant compétitif sur tous les tableaux. S’il n’aura pas les pleins pouvoirs sportifs (du moins pas tout de suite), une chose est sûre : le technicien Sang & Or n’aura pas beaucoup de temps pour mettre en place sa philosophie de jeu et devrait montrer beaucoup de flexibilité managériale pour gérer son groupe. S’il a lui même évoqué, lors de sa conférence de presse, la méconnaissance chez les joueurs tunisiens de quelques basiques de performance comme la nutrition, la récupération ou le sommeil, le néo coach de l’Espérance doit remédier à tout cela sans dévier de l’objectif principal : gagner, mais pas de n’importe quelle manière.
Dans un championnat tunisien qui tarde à démarrer, et dont l’écart avec les autres pays ne cesse de se creuser, la réalité du terrain sera tout autre pour Jaidi et son équipe. Pragmatique, le natif de Gabès a affirmé que l’Espérance n’est pas en mesure de remporter la CAF Champions League dans l’immédiat mais que le club de Bab Souika ambitionne toujours de soulever ce trophée. Une quête qui ne se fera qu’au prix de beaucoup de sacrifices et de persévérance.
Conscient qu’il n’a pas beaucoup de temps et qu’il sera attendu sur le court terme, Jaidi s’attelle déjà sur les chantiers les plus urgents pour permettre à l’Espérance de rattraper le temps perdu et de rester compétitive face notamment à la référence africaine d’Al Ahly. La concurrence sera donc rude sur le double plan local et continental et la pression pourrait vite devenir infernale. On en saura plus sur la capacité du jeune technicien à faire face à ses premiers challenges.
En conclusion, si l’on se tient aux enseignements des premières journées de Radhi Jaidi au Parc B ainsi qu’aux messages délivrés (de manière claire et ferme) durant sa conférence de presse, le public Sang & Or est en droit de croire à une nouvelle Espérance version Jaidi par celui dont la mission de vie se résume par « Fulfilling people’s dream », une formule ancrée par le psychologue de Bolton à son arrivée chez les Wanderers. Mais cette fois, le défi sera désormais de réaliser les rêves du très exigeant public de l’Espérance. C’est tout le mal qu’on lui souhaite !
Article réalisé par Walid Helali & Khlil Zariat