Quelques jours avant le début de la FIFA Arab Cup, nous retraçons le parcours de la Tunisie lors de la Arab Cup 1963. Un saut dans le passé pour saisir l'importance du football au Moyen-Orient et en Afrique du Nord..
Beyrouth comme cadre idyllique, la Lebanese FA comme percusseur
Pendant les années 1960’s, et alors que le panarabisme battait son plein dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, le football devient plus que jamais populaire au sein des couches populaires et les leaders (voire les politiques) y voient un vecteur d’union mais surtout un moyen d’accroitre leur popularité au sein de l’opinion publique.
En 1962, lors d’une conférence organisée à l’hôtel Carlton de Beyrouth, Georges Dabbas président de la Lebanese Football Association de l’époque, annonce la création d’un tournoi entre les nations arabes comptant six sélections : l’Irak, Jordanie, la Syrie, le Liban (hôte), le Koweït et la Tunisie. La compétition se déroule en un groupe unique, avec une manche et exclusivement dans la capitale du pays des cèdres. Ce tournoi a eu lieu du 31 Mars au 7 Avril 1963 et s’était inscrit dans le cadre de la préparation à la coupe d’Afrique des nations 1963 qui a été organisée au Ghana quelques mois plus tard..
Le Club Tunisie et son équipe à caractère national aux yeux du monde
Au début des sixties, la Tunisie possède une réputation en Afrique mais et dans le reste des pays de la Ligue Arabe comme un pays avec une forte tradition footballistique. En effet, lors de la période de la postindépendance, la FTF aligne son équipe nationale dans plusieurs compétitions pour préparer l’avènement d’une des plus grandes générations de joueurs de l’histoire du pays. Entre 1957 et 1961, les Aigles de Carthage participent à plusieurs compétitions tant sur plan mondial ou régional comme lors du succès lors des Pan Arab Games en 1957 ou encore la participation historique aux Jeux Olympiques d’été 1960 (première du genre).
C’est dans ce contexte que la Tunisie aborde cette époque faste avec dans le viseur une première participation en CAN 1962 et atteint même une 3e place lors du tournoi continental organisé en Éthiopie. En début d’année 1963, la Fédération Tunisienne de Football décide de se séparer du coach croate alors en place Frane Matošić pour engager André Gérard, ancien gardien de but des Girondins de Bordeaux avec comme principaux objectifs (et par ordre chronologique) : la Arab Cup 1963, African Games 1963, Jeux Méditerranéens 1963, la CAN 1963 et la qualification à la coupe d’Afrique des nations 1965.. en Tunisie.
Le sélectionneur convoque 18 joueurs pour le tournoi de Beyrouth, avec comme ossature de l’effectif une partie des protagonistes du doublé de l’Étoile Sportive du Sahel en 1963 tels que Raouf Ben Amor, Ridha Rouatbi, le keeper Mahmoud Kanoun, le défenseur central Mohsen Habacha et le capitaine emblématique Abdelmajid Chetali dit Majda. Le groupe est assez jeune, on y retrouve des bonshommes comme Alaya Sassi milieu créatif du Club Sportif Sfaxien, Hammadi Henia le buteur de l’Union Sportive Tunisienne, Abdelkader Ghalem dit Zarga et Mohamed Salah Jedidi (une des légendes du Club Africain) mais aussi le latéral Hédi Douiri et le bomber Ammar Merrichko, nouvelles coqueluches de l’Avenir Sportif de la Marsa pour ne citez qu’eux.
Un tournoi plein de satisfactions et premier sacre de la Tunisie
Avec la totalité des rencontres se déroulant au sein du Camille Chamoun Sports City Stadium, le groupe d’André Gérard a eu droit à quelques jours de repos supplémentaires et a par conséquent été exempt de disputer la 1e journée.
Le 2 avril 1963, la Tunisie entre en lice dans le cadre de la 2e journée, contre la Syrie. Le milieu Raouf Ben Amor, alors âgé de 18 ans, a inscrit le seul but de la rencontre (1-0, 20′) et offre les 2 points synonymes de succès pour la sélection tunisienne. Deux jours plus tard, la Jordanie défie la Tunisie : Mongi Haddad a claqué un doublé (2-0, 1′, 6′) en début de match avant que Mohamed Salah Jedidi n’accroît le score (3-0, 26′). Les coéquipiers de Taoufik Ben Othman ont scellé leur large victoire par un but de Hammadi Henia (4-0, 34′).
Pour le compte de la 4e journée, le onze tunisien a continué de montrer sa force offensive et tactique face au Koweït. Mohsen Habacha a rapidement ouvert le score (1-0, 9′) puis a été imité par Mohamed Salah Jedidi (2-0, 21′). Au retour des vestiaires, le natif de Ghardimaou a continué sur sa lancée en marquant un second but (3-0, 54′), Hammadi Henia a creusé l’écart (4-0, 73′) tandis que Mongi Haddad a parachèvé la symphonie tunisienne (78′). Correction totale (5-1) de la part de la Tunisie qui se hisse à la 1ère place du groupe avec 6 points ex-aequo avec le pays organisateur et prochain adversaire lors de la 5e journée : le Liban.
La rencontre aux allures de finale du groupe se déroule devant 20 000 spectateurs Avec un public acquis à la cause libanaise. Le coach André Gérard a aligné une formation avec comme gardien Abdelkader Ghalem dit Zarga. En défense, un rideau de fer avec Mohsen Keffala, Ahmed Sghaïer, Mohsen Habacha, Taoufik Ben Othman, Mahfoudh Benzarti. Au milieu, le technicien Alaya Sassi est associé aux côtés du capitaine Abdelmajid Chetali alors que sur le front de l’attaque le trio : Hammadi Henia, Mohamed Salah Jedidi et Mongi Haddad a fait des merveilles. Ce dernier n’a pas failli lors de cette « finale » en donnant l’avantage pour la Tunisie lors des premières minutes (1-0, 10′) en trompant Samih Chatila, le keeper libanais et offrir le titre pour la Tunisie !
Un sacre important et première joie des Aigles de Carthage
Premier trophée de l’histoire de la sélection nationale, l’Arab Cup 1963 a permis à deux générations de joueurs tunisiens de créer une filiation qui mènera jusqu’à la participation historique à la FIFA World Cup 1978 (Abdelmajid Chetali étant devenu sélectionneur) en passant par plusieurs rendez-vous continentaux et régionaux (CAN, African Games, Jeux Méditerranéen etc..). La relation entre la compétition arabe et les Aigles de Carthage a perduré avec le temps malgré le manquement auu devoir de mémoire des médias à son égard. En effet, en 1973 la Tunisie a soulevé une seconde fois le trophée, alors appelé Palestine Cup of Nations, avec un groupe comptant dans ses rangs des hommes comme Ezzeddine Chakroun, Mohieddine Habita ou encore le regretté Mohamed Ali Akid..
En 1975, malgré l’organisation du tournoi, les Aigles de Carthage n’arrivèrent pas à passer la phase de groupe. En 1988, le onze tunisien a participé à sa dernière Arab Cup en date qui s’est soldée par un échec avec une sortie prématurée dès le 1e tour.
Aujourd’hui, dans un cadre aux standards mondiaux au Qatar, les coéquipiers d’Anis Ben Slimane voudront perpétuer l’héritage des pionniers avec des grandes ambitions.. comme en 1963 !