Depuis son retour en Tunisie, Haithem Jouini est un homme transformé. En pleine forme sous les couleurs de la « Baklawa », cet avant-centre racé et pétri de qualités a fait ses grands débuts avec les Aigles de Carthage où il a contribué d'emblée à la qualification de la Tunisie pour la CAN 2023 (avec 2 buts lors de la double-confrontation contre la Libye). À 29 ans, l'ancien Sang et Or a pris de la bouteille et est (enfin) en train de réaliser la meilleure version de lui-même. Interview sous le signe du travail et de la résilience..
Ettachkila : Bienvenue Haithem. Comment as-tu vécu ton premier rassemblement avec la sélection tunisienne A ?
Haithem Jouini : Bonjour et d’abord merci pour cette invitation. Le rassemblement s’est très bien déroulé, d’autant plus que je connais pratiquement tous mes coéquipiers ainsi que le giron de l’Équipe Nationale (Haithem est un habitué des sélections de jeunes, ndlr). Le courant est également vite passé avec les joueurs que je côtoyais pour la première fois. Disons que mon intégration s’est faite le plus naturellement du monde.
« Le Football, c’est des opportunités »
Ettachkila : Comment as-tu préparé cette double-confrontation face à Libye dans ta tête (surtout avec les attentes ayant entouré cette première sélection chez les A) ?
Haithem Jouini : Ma préparation, je la fais sur la durée et pas seulement la veille des matchs. Je peux vous dire que j’ai bossé très dur pour arriver à ce moment que j’attendais depuis des années. Dieu merci, les choses se sont très bien passées avec 2 buts en 2 matchs, une titularisation et, à la clé, une qualification de mon pays pour la CAN. J’espère que la suite sera encore meilleure.
Ettachkila : À quoi as-tu pensé après ton premier but en sélection ?
Haithem Jouini : (sans réfléchir) j’ai tout de suite pensé à ma femme qui n’a cessé de m’encourager en permanence, ainsi qu’à ma famille, mes amis et tous ceux qui m’ont témoigné leur confiance. J’avais un défi à relever et quand j’ai inscrit ce premier but, tout le parcours réalisé pour retourner en Équipe Nationale a défilé dans ma tête et je n’ai pas arrêté de remercier Dieu. Maintenant, le travail continue pour confirmer et être présent lors des prochaines échéances.
« J’ai confiance en Dieu et en mes qualités »
Ettachkila : Tu as paru très serein malgré l’impatience d’être sur le terrain avec les Aigles de Carthage. Comment expliques-tu cela ?
Haithem Jouini : Avec la maturité et l’expérience, j’arrive à gérer les bons et les moins bons moments. Je m’applique à ne pas aller dans les extrêmes en restant centré, calme et en gérant au mieux mon stress pour pouvoir jouer comme je sais le faire le jour du match. Malgré ces bons débuts, je compte encore m’améliorer et travailler plus dur pour enchaîner les performances.
« L’arrivée de Haithem en sélection m’a fait très plaisir car je connais les qualités de l’homme et du joueur depuis qu’on évoluait ensemble à l’Espérance Sportive de Tunis. Son retour au premier plan est mérité. C’est l’un des attaquants les plus complets que j’ai pu rencontrer durant ma carrière : grand, costaud, technique, capable de jouer dos au but, de demander en profondeur, de jouer en déviation.. Un profil comme il en existe de moins en moins aujourd’hui. Je suis certain qu’il peut continuer à apporter beaucoup à l’Équipe Nationale »
Montassar Talbi, défenseur international du FC Lorient
Ettachkila : À un moment, ton mental a été pointé du doigt mais tu as fini par rebondir à chaque fois. Comment as-tu géré ce point ?
Haithem Jouini : C’est vrai qu’on a beaucoup parlé de mon mental à tort et à raison, mais ça fait partie du métier. Les gens critiquent souvent en méconnaissance de cause et sans prendre le temps d’analyser, sans savoir qui est véritablement Haithem Jouini. Comme ce sont des choses que je ne peux pas contrôler, j’essaie toujours de me concentrer sur mon jeu et de répondre sur le terrain. (Il sourit) je pense que lors de ces dernières sorties, j’ai pu prouver que j’allais bien mentalement.
« Haithem est un garçon brillant sur le plan cognitif et dont les qualités techniques sont unanimement reconnues depuis son plus jeune âge. C’est un profil qui fonctionne avec les relations humaines, qui s’exprime mieux dans un environnement de confiance mais qui est capable aussi de prendre des initiatives dans les moments tendus. S’il a parfois manqué d’assurance ou connu des périodes en dents de scie, il a maintenant appris avec l’âge à gérer la difficulté. Haithem a prouvé qu’il n’est jamais trop tard pour se libérer »
Mohamed Laroussi, ancien préparateur mental de l’Espérance Sportive de Tunis et membre de la Société Française de Psychologie du Sport
Ettachkila : Après cette qualification à la CAN, quels sont les objectifs que tu te fixes désormais ?
Haithem Jouini : J’ai comme objectifs immédiats d’enchaîner les performances, de bien finir la saison et pourquoi pas, de remporter un titre avec mon club, le Stade Tunisien. À moins court terme, j’ambitionne de confirmer dès la saison prochaine pour, si Dieu le veut, faire partie du groupe Tunisie pour la CAN 2023.
Ettachkila : Quel est ton plus grand apprentissage ?
Haithem Jouini : J’ai appris à ne jamais baisser les bras et qu’avec le travail, tout est possible. Surtout dans le monde du Foot où tout peut basculer très vite. J’ai aussi appris que je dois me donner les moyens et tout faire pour toucher mes rêves. Sinon quel sens la vie aurait-elle si l’on abandonne au premier échec.
Ettachkila : Que sont devenus tes rêves d’enfant ?
Haithem Jouini : Mon premier rêve était de gagner la Champions League et, Dieu merci, je l’ai réalisé (avec l’Espérance Sportive de Tunis, ndlr). Les autres rêves sont toujours en cours : gagner la CAN avec la Tunisie, évoluer dans le haut niveau en Europe et aller à la Coupe du Monde.
Ettachkila : C’est quoi pour toi être capitaine d’une équipe ?
Haithem Jouini : Porter le brassard est une grande responsabilité que tu dois honorer car tu dois «leader» le groupe vers les objectifs sportifs en ayant aussi mérité la confiance du public et des composantes du club. Être capitaine ça va au-delà de l’aspect technique car il est aussi de ta responsabilité d’encadrer, de motiver et de gérer les moments compliqués ou l’euphorie collective. Bref, c’est un tout mais c’est aussi un caractère, car ce n’est pas naturel chez tout le monde. Le capitaine doit faire converger tout ça pour aider le club à performer.
Ettachkila : Quel message souhaites-tu transmettre aux jeunes joueurs ?
Haithem Jouini : Mon message c’est surtout de travailler très dur en ayant l’ambition de viser haut. Dans la vie, rien n’est impossible mais il faut travailler, être aux aguets et se donner les moyens pour ne pas avoir de regrets plus tard quand une opportunité se présentera.
Ettachkila : Le mot de la fin ?
Haithem Jouini : Merci à vous et à toutes les personnes qui m’ont soutenu et fait confiance depuis mes débuts. J’en suis extrêmement fier et reconnaissant. Que l’histoire continue !
Bio express
Né le 7 mai 1993 à Tunis, Haithem Jouini est un pur produit de l’Espérance Sportive de Tunis où il a fait toutes ses classes de formation. À 19 ans, il effectue ses débuts avec l’équipe première lors d’une saison où il termine co-meilleur buteur du championnat avec l’algérien Abdelmomen Djabou (8 buts). Après un premier prêt à Tenerife (en deuxième division espagnole), sa seconde expérience à l’étranger l’emmène du côté d’Al Ain en Arabie saoudite. S’en suivront ensuite des aventures en Égypte et en Libye avant un comeback en Tunisie du côté du Bardo. Garçon instruit et persévérant, Jouini compte un palmarès des plus reluisants avec deux CAF Champions Leagues, trois Championnats et une Supercoupe de Tunisie avec les Sang et Or.