Chaque semaine, Ettachkila invite une volleyeuse pour parler carrière, coups de cœur, expériences de vie… Dans ce deuxième numéro, la muse du volleyball tunisien et véritable modèle de résilience, Khouloud Jenhani, s’est confiée comme rarement sur les événements qui ont façonné la championne, mais aussi la femme qu’elle est devenue.
Qu’est-ce qui te distingue des autres ?
Le fait d’avoir connu de graves blessures à un jeune âge (rupture des ligaments croisés du genou droit puis gauche à 16 et 21 ans, ndlr). Ça m’a rendue plus forte et permis de relativiser les difficultés. Je ressens, comme tout le monde, la pression et le stress mais avec ce que j’ai pu surmonter, je gère les évènements avec plus de lucidité.
Ton (ou tes) héros dans la vie réelle ?
Au mot « héros », je pense directement à mes parents. Avec l’âge, je réalise les efforts et les sacrifices qu’ils ont consentis au quotidien pour notre bien-être et notre éducation. C’est grâce à eux que je suis devenue la femme instruite et indépendante que je suis aujourd’hui.
Quelle est la joueuse la plus forte que tu as affrontée ?
Il y en a eu pas mal, mais je pense particulièrement à une pointue Kényane dont le nom m’échappe. Une force de frappe phénoménale. Elle donnait l’impression de voler et te faisais te sentir toute petite.
La joueuse la plus fêtarde, celle qui met le plus d’ambiance ?
Sans aucune hésitation Maïssa Lengliz. Celles qui ont joué avec elle peuvent en témoigner (rires). C’est une joueuse et une personne exceptionnelle que j’ai encore le plaisir de côtoyer à l’Espérance.
Une joueuse perdue de vue avec qui tu aimerais renouer contact ?
La légendaire Aicha Ben Fejria, que j’ai eu la chance de côtoyer à l’Union Sportive de Carthage après mon retour de blessure en 2008. C’est l’une des meilleures passeuses de l’histoire du volleyball tunisien (notamment double championne d’Afrique avec le Club Africain en 1988 et 1989, ndlr). Une longévité extraordinaire et plus de 30 saisons consécutives au compteur, c’est juste incroyable. Elle a continué à jouer au-delà de ses 50 ans en montrant l’exemple et en se donnant à fond sur chaque point. C’est aussi une femme aux grandes qualités morales et appréciée de tous.
Trois volleyeuses que tu admires ?
En plus des qualités techniques, une joueuse doit être très distinguée sur en dehors des parquets pour que je l’admire. Je citerai donc les réceptionneuses-attaquantes suivantes : la turque Hande Baladın, la brésilienne Jaqueline Carvalho et l’incontournable Francesca Piccinini en Italie.
Un traumatisme vécu durant ta carrière sportive ?
Il y en a eu quelques-uns, tous en relation avec mes deux blessures car plusieurs interventions chirurgicales s’en étaient suivies. Mais le moment le plus dur était après mon retour de la première blessure. En 2011, on jouait la finale du championnat avec l’US Carthage contre le Club Sportif Sfaxien à Sfax, un match retransmis en direct à la TV nationale et suivi par les amateurs de volley féminin, ma famille, mes amis… C’est pendant ce match là que je me blesse de nouveau. Je ne pouvais pas me retenir de hurler et de me tordre de douleur sur le parquet. Ma mère m’a dit qu’elle avait entendu mes cris en direct à la TV.
Ta plus grande fierté ?
Le fait d’être devenue la joueuse professionnelle et la femme que je suis, en conciliant études et sport de performance (elle est kiné de profession, ndlr). Je suis d’ailleurs la joueuse tunisienne la plus titrée toutes disciplines confondues. C’est pour moi un grand motif de fierté, surtout après les épreuves que j’ai traversées.
Le moment le plus marquant de ta carrière ?
J’en citerai deux. Le premier, c’est le titre que je remporte avec l’US Carthage après mon premier retour de blessure : j’avais 16 ans au moment où je me fais opérer la première fois des ligaments croisés (je me blesse avec les cadettes de l’Équipe Nationale). Après une inactivité de 2 ans, je retrouve la compétition et la plénitude de mes moyens avant d’être sacrée championne de Tunisie 2008.
L’autre moment marquant est forcément le Championnat d’Afrique des clubs 2017, remporté avec le Club Féminin de Carthage. Un titre inoubliable et haut en symbolique pour le volleyball féminin tunisien.
Le moment de ta carrière où tu t’es sentie la plus forte ?
Ça peut paraître paradoxal mais c’est après ma seconde opération aux ligaments croisés en 2011. On dit qu’après une deuxième blessure du genre, on est fini pour le volley mais je m’étais fixée comme objectif de revenir plus forte. Et, Dieu merci, ma carrière a décollé par la suite. Cette épreuve m’a fait me sentir encore plus forte que lorsque j’ai remporté des titres ou des distinctions personnelles.
Une anecdote que tu n’as jamais racontée ?
J’ai commencé le volley à 14 ans au Club Olympique de Kélibia, fief du Cap Bon et de ma belle ville natale, mais au départ ce n’était pas vraiment un choix de ma part. C’est mon grand-père, paix à son âme, qui m’avait inscrite au volleyball pour la simple raison que les jeunes filles pratiquant ce sport pouvaient être affectées au lycée qui était plus proche de la maison. C’est à partir de là que l’aventure a commencé (rires).
En bref
Poste : Réceptionneuse-attaquante
Taille : 178cm
Clubs successifs :
- Club Olympique de Kélibia (catégories de jeunes, jusqu’aux Espoirs)
- Union Sportive de Carthage (2008 à 2011)
- Club Féminin de Carthage (2011 à 2023)
- Espérance Sportive de Tunis (en cours)
Palmarès :
- 12 Championnats de Tunisie
- 2 Championnats d’Afrique des clubs (2017 et 2021)
- 9 Coupes de Tunisie
- 5 Supercoupes de Tunisie
- 1 médaille de bronze au Championnat d’Afrique des Nations 2013