A quoi joue Wadii Al Jarii ?

Celui qui est à la tête de la Fédération Tunisienne de Football depuis le 31 mars 2012, continue sa main mise sur le football tunisien et se prépare à briguer un troisième mandat ...

Un fin stratège à la tête du football tunisien

Le tout-puissant président de la Fédération tunisienne de football, Dr Wadii Jari, est arrivé à la tête de la fédération en étant plébiscité par les urnes : 236 voix contre seulement 95 voix pour Tarek Hammami au second tour de l’assemblée générale élective de 2012. Celui qui a passé six ans dans les différentes commissions de la FTF, a su sauter sur la première occasion pour prendre en main l’organisme le plus puissant du football tunisien. Ce fin stratège du lobbying et excellent diplomate, avouons-le, a toujours su gagner ces batailles politco-sportives et contrecarrer ses détracteurs au fil des années.
Après huit ans de présidence, ce qui représente un record de longévité à la tête de cette instance, son bilan financier est extrêmement positif – Il a réussi à quadrupler son budget pour faire passer ses revenus de 12 millions de dinars à sa prise de fonctions, à environ 45 millions de dinars au cours de la saison 2017/2018, en paraphant beaucoup de contrats de sponsoring et en touchant le jackpot après le CDM en 2018 (environ 21 millions de dinars). Les résultats sportifs sont également très bons (Une qualification en Coupe du monde depuis 2006 avec une première victoire à la clé, depuis 1978 et une première demi-finale de la CAN, depuis le sacre de 2004), et, qu’on le veuille ou pas, son bilan personnel reste largement positif, et ceci, indépendamment des méthodes utilisées …

Au prix de quoi ?

Le nom de Wadii Jari ne cesse de défrayer la chronique, depuis sa dernière réélection à la tête de la FTF en Mars 2016. Dans une ambiance électrique, et malgré la contestation de plusieurs membres et présidents de clubs, qui ont jugé l’assemblée générale illégale, il a réussi son tour de « magie » en l’emportant devant Jalel Tekaya au second tour, avec 281 voix contre 181. Depuis, il s’en sort à chaque fois devant ces détracteurs en vantant son bilan positif et sa gouvernance parfaite …
Ce lobbyiste chevronné, doté d’une communication très intelligente, est avant tout un négociateur capable de taper fort pour « imposer » sa vision.

Tout en sachant qu’il est protégé par les instances internationales de football (FIFA) contre l’intervention des politiques dans ces « affaires », il a su s’opposer en 2013 à l’ex-ministre des sports Tarek Dhiab, qui l’a qualifié de manipulateur, il a su s’opposer aux cinq membres démissionnaires de la Fédération en 2018, qualifiés de « frondeurs », et qui ont dénoncé l’absence de concertation au sein de la FTF, comme il a su gagner ces bras de fer contre Slim Riahi ou Ridha Charfeddine, sur fond de désaccord concernant la direction nationale de l’arbitrage, organisme sous la tutelle de la Fédération Tunisienne de Football. Si aucune preuve matérielle n’est à la charge de Wadi El Jarii, sa conduite à la tête de la Fédération et sa politique consistant à vouloir « satisfaire » tout le monde, tout en gardant une main mise sur le football amateur – un grand réservoir électoral pour lui- dérange beaucoup de suiveurs du football tunisien. Dans un monde hostile, il a surtout su tirer les ficelles du jeu pour se rendre indispensable et irremplaçable aux yeux de tous, ces efforts ciblés et ces « tasks force » pour le bien-être du clubs et du football tunisien, ont parfois porté leurs fruits, mais ont laissé l’image d’un homme tout-puissant, qui agit parfois seul, voire trop seul …A titre d’exemple, lors de la dernière campagne de soutien au Club Africain, il n’a, au final, pas su éviter la pénalité de 6 points au club. Son rôle était uniquement d’avancer l’argent qui revient au club pour la participation de ses joueurs à la coupe du Monde, pour au final prendre toute la place et la lumière. Sa dernière intervention dans le dossier Manoubi Hadded n’est pas anodine, et pose beaucoup de questions dans des dossiers similaires (le CSS pourrait en témoigner …)

Un bilan pas si bon que ça au final

Un simple constat de ces huit ans à la tête de la fédération tunisienne de football, nous laisse un goût « mitigé » de ce franc succès de Wadii El Jarii. L’équipe nationale tunisienne a vu passer 9 sélectionneurs en 9 ans, soit un sélectionneur par an ! Ce chiffre est absolument incompréhensible et reflète une instabilité et une incohérence des décideurs. L’absence d’une vraie stratégie pour les aigles de Carthage, conjuguée à des décisions « lunaires » passées souvent sous le tapis, comme le départ en catimini de Faouzi Benzarti en Octobre 2018, l’épisode de Nader Daoued avec Nabil Maaloul en 2018, la désignation d’Alain Giresse et son armada d’assistants avant la dernière CAN 2019, et son licenciement « pour faute de rendement » … restent des gros points noirs durant le mandat de Wadii El Jarii.

Les contrats signés avec des agences suisses mandatées à trouver des sparring partners à la Tunisie avant la coupe de monde 2018 ou avec l’équipementier Kappa en 2019, et qui fait le sujet d’une plainte de l’organisme indépendant « I Watch » pour suspicion de corruption, sans oublier l’état déplorable des stades tunisiens, le fléau des violences des ultras, les nominations à la direction technique nationale et des équipes des jeunes de la sélection, et surtout le manque des moyens et des vraies stratégies d’autofinancement des clubs amateurs, qui vivent leurs footballs au jour le jour et qui restent à la merci des dons de leurs supporteurs …

Beaucoup d’initiatives sur fond de campagne électorale

Prévue en Mars 2020, il faut rappeler que Wadii El Jarii et son bureau, ont fait voté, lors d’une assemblée générale extraordinaire de la FTF, le 20 décembre 2019, des ajustements sur les textes réglementaires et en particulier l’article 97, qui stipule que la présidence de la fédération sera portée à 3 mandats au lieu 2 actuellement ( de 4 ans), et ce dès 2020 ( Coïncidence !) .

Candidat à sa propre succession, celui qui est aussi président de l’UNAF, a lancé sa campagne électorale de la plus belle des manières. Un comité de soutien montée de toutes pièces, pour aider l’historique club du COT, une rencontre « organisée » au siège de la FTF pour « mettre fin » au différend entre Wissam Yahia et Mouine Chaabani, digne d’un épisode de télé sur une chaîne privée en présence des présidents des deux clubs, suivi d’une réunion avec l’entraîneur du Club Africain Lassaad Dridi et quelques joueurs cadres du même club (Cette fois en l’absence du président) pour trouver une solution à leurs impayées et faire un point de situation … et pour finir, une réunion prévue jeudi à Bizerte pour traiter les problèmes du CAB et des clubs de la région du nord.

Sur la forme, ça paraît très beau, très sincère et salutaire, sur le fond, il faut vraiment être « dupe » pour ne pas comprendre la manipulation déguisée de Wadii El Jarii. La page Facebook de la FTF s’est transformée le temps d’une journée à une page de campagne électrode du candidat « El Jarii 2020 ».

Celui qui fait les yeux doux à un important poste à la CAF voir à la FIFA plus tard, ne se cache plus derrière ces ambitions. Il joue sur tous fronts et assume son rôle de président, médiateur et sauveur. Face à l’absence d’un concurrent capable de le titiller, tous les feux sont au vert pour briguer son troisième mandat. Dans un pays en crise, ou l’argent peut tout faire, Wadi El Jarii a compris la règle du jeu, il a même pris de l’avance et n’est pas prêt à lâcher son trône …