Anice, retour au pays des merveilles

C’est désormais officiel depuis Lundi soir, l’international tunisien Anice Badri a effectué son retour à l’Espérance Sportive de Tunis en signant un contrat d’une durée d’un an et demi. Après une expérience mitigée à Ittihad Jeddah, le joueur retrouve donc un club avec lequel il a connu les sommets. Si ce recrutement semble profiter aux deux parties, il permet néanmoins de soulever plusieurs questions.

Un effectif surchargé …

Avec le retour de Badri, l’Espérance s’offre donc un joueur sportivement au pic de sa carrière et ayant connu le club sous ses plus belles heures. Doté d’une grande expérience sur le plan africain, les Sang &Or retrouvent également un élément ayant pour ambition de regagner les rangs de la sélection au vu de la prochaine Coupe d’Afrique des Nations. Auteur de 37 buts et 28 passes décisives en 119 rencontres lors de son dernier passage de 2016 à 2020, Badri a également remporté pas moins de 8 trophées avec le club de Bab Souika.

Cependant, lorsque l’on regarde de plus près l’effectif du club de la capitale, on se rend compte rapidement de la surcharge existante dans le compartiment offensif, avec pas moins d’une douzaine de joueurs pour seulement trois postes. Le système de jeu préférentiel de Mouine Chaabani étant le 4-3-3, et s’il est difficile d’imaginer Anice Badri ne pas occuper une place de titulaire dans cette équipe, la question qui se pose concerne plutôt la gestion de l’effectif et la stratégie sportive menée par les dirigeants de l’EST. Alors que Alaeddine Marzouki a justement été recruté pour occuper le poste d’ailier droit, ce dernier s’est montré très performant depuis le début de saison, répondant aux attentes des dirigeants et des supporters du club. Il est donc curieux de voir débarquer un Badri pour qui ce même poste d’ailier droit semble désormais promis, et l’on peut alors se questionner sur la nature du message envoyé à l’ancien joueur du CSS. Bien que replacé en pointe lors de la défaite à Sfax, il est difficile d’imaginer Marzouki évoluer à ce poste sur le long terme, alors que des rumeurs insistantes font état de la volonté du président Hamdi Meddeb de recruter un joueur confirmé dans cette position.

Et si des éléments comme Taha Yassine Khenissi et surtout Abderrahmane Meziane sont annoncés sur le départ, il n’en demeure pas moins que le compartiment offensif espérantiste transmet une impression d’absence de politique sportive claire qui permettrait au coach Mouine Chaabani de bénéficier d’un effectif équilibré.

… mais pour quelle qualité ?

Alors que l’argument des résultats a jusque-là donné du sursis à Mouine Chaabani, la dernière déroute sur la pelouse du CS Sfaxien, ainsi que la qualification dans la douleur en tour préliminaire de Ligue des Champions contre Ahli Benghazi, ont suffi à fragiliser sa position aux yeux de la direction. La volonté d’effectuer un recrutement XXL lors de ce mercato peut donc s’expliquer par la volonté de mettre l’entraineur devant ses responsabilités. Chaabani, vainqueur de deux CAF Champions League consécutives lors de ses deux premières saisons à la tête du club, a en effet connu plusieurs changements au niveau d’un effectif dont la reconstruction a été plus délicate que prévue. Les retours récents de Chaalali et Ben Romdhane, les recrutements de Nagguez et Badri (en attendant l’avant-centre tant attendu), ainsi que la prolongation de contrat de Hamdou Elhouni, ne laissent désormais aucun choix à un entraineur qui n’a plus le droit à l’erreur.  

La question qui se pose alors est de savoir si ces recrutements, qui ont pour conséquence une surcharge et un déséquilibre de l’effectif, rendent véritablement service à un Chaabani déjà en difficulté. Avec plus d’une dizaine de solutions et encore plus de combinaisons possibles pour composer son trio offensif, le coach se retrouve face à un véritable casse-tête entre des joueurs qui semblent aujourd’hui indéboulonnables (Houni, Marzouki), des recrues qui peinent à confirmer (Ben Hammouda, Meziane), des renforts prometteurs en retour de blessure (Ben Khalifa) des éléments dont l’utilisation pose question (Ben Choug), ou encore des jeunes pour qui l’avenir semble bouché (Berrima, Mimouni). Sans oublier également des éléments constituant aujourd’hui un véritable point d’interrogation (Ben Sghaier, Fedaa, Khenissi).

Cela est d’autant plus curieux lorsque l’on sait qu’il existe d’autres postes qui semblent davantage prioritaires : En défense centrale par exemple, aucun joueur ne semble donner satisfaction aux cotés de l’algérien Abdelkader Bedrane. Si Khlil Chammem arrive en fin de carrière et pourrait encore rendre quelques services en LP1, il semble risqué de compter sur lui lors des grands rendez-vous continentaux. Mohamed Ali Yaakoubi se montre quant à lui irrégulier, alors que le jeune Mohamed Amine Tougai, annoncé comme un grand espoir à ce poste, ne semble pas encore bénéficier de la confiance du staff technique.

Les chantiers restent donc nombreux au sein de l’effectif sang et or, et les recrutements foisonnants ne permettent pas d’éclaircir les choses. Alors que l’effectif a assurément gagné en qualité sur certains postes par rapport à la saison dernière, notamment avec l’incorporation de Ben Romdhane au milieu de terrain et de Nagguez au poste de latéral droit, il est également nécessaire de dégraisser un groupe dont le déséquilibre peut s’avérer handicapant.

De nouvelles ambitions ? 

Alors que l’Espérance semble une nouvelle fois capable d’aller chercher un nouveau titre de LP1 sans grande difficulté, et ce malgré des performances récentes peu enthousiasmantes, il est important de souligner que cela s’explique davantage par la faiblesse de ses concurrents que par sa régularité. Alors que le Club Africain est désormais englué dans une énorme crise institutionnelle qui se fait grandement ressentir sur le plan sportif, l’Etoile du Sahel connait également une crise économique et sportive qui semble lui promettre une nouvelle saison difficile. De son côté, le Club Sportif Sfaxien, concurrent le plus « sérieux », semble encore bénéficier d’un effectif trop léger pour aller chercher le titre national, même si une surprise n’est pas à exclure en cas d’accident de l’EST. Le niveau national est donc loin de représenter un baromètre fidèle pour le club sang et or, si ce dernier ambitionne de retrouver un succès continental qui lui échappe depuis … le départ d’Anice Badri.

Eliminée par les égyptiens de Zamalek au stade des 1/4 de finale lors de la dernière CAF Champions League, l’Espérance avait alors souffert d’un manque de créativité offensive ainsi que d’un manque de qualité individuelle qui se sont surtout fait ressentir lors du match retour à Tunis. Impuissants pendant près de 90 minutes, les sang et or ont également pâti de l’impuissance d’un entraineur incapable d’apporter les réponses face à une équipe très bien regroupée. Cette élimination avait alors permis de soulever plusieurs questions par rapport à l’entraineur, qui avait jusque-là pour habitude de se reposer sur ses individualités, et notamment ses ailiers Belaili et Badri, lorsque l’équipe était en difficulté. Alors que le champion d’Afrique algérien a été remplacé comme il se doit par Hamdou Elhouni sur l’aile gauche, l’Espérance n’a cependant jamais été capable de trouver un joueur de la qualité d’Anice Badri sur le coté droit. Alors que Bilel Bensaha semblait promis à ce poste, ce dernier s’est montré décevant lors des grands rendez-vous, laissant la place aux tâtonnements et aux tentatives infructueuses de placer à ce poste des joueurs qui n’ont pas pour vocation d’y évoluer. Ainsi, Mohamed Ali Ben Hammouda, numéro 9 de formation ou encore Abderrahmane Meziane, ailier gauche, ont été essayé dans cette position sans donner satisfaction. Cela permet en grande partie d’expliquer la stérilité offensive de l’Espérance.

Et si le club de Bab Souika semble enfin avoir trouvé la bonne formule avec le recrutement de Alaeddine Marzouki, l’opportunité de rapatrier un Anice Badri dont l’apport est quasi-certain et qui connait bien la maison, ne pouvait alors être refusée. Deux questions majeures se posent alors. La première est de savoir si ce recrutement suffira à masquer les nombreuses carences d’un coach dont la place ne tient plus qu’à un fil. La deuxième, étroitement liée, est de savoir si Badri retrouvera un niveau qui permettra à Mouine Chaabani de continuer à « sous-coacher » en se reposant sur des individualités qui suffiraient à débloquer des situations compliquées. Si nous devrions avoir les réponses à ces questions dans les semaines à venir, il n’en demeure pas moins que le retour d’Anice Badri au pays peut également constituer une bonne nouvelle pour la sélection nationale tunisienne, elle aussi en manque cruel d’options de qualité dans le compartiment offensif.