Unique escrimeuse quadri amputée au monde, Beatrice Vio (dite «Bebe») vient de décrocher une médaille d'or aux Jeux paralympiques de Tokyo, cinq ans après son triomphe de Rio. Ettachkila vous propose de découvrir l'histoire inspirante de cet être hors du commun..
Un drame fondateur
En Italie, ce modèle de courage qu’on surnomme affectueusement «Bebe», est devenu une icône à l’enthousiasme communicatif. Une place gagnée en surmontant une affreuse épreuve en novembre 2008 : « J’avais 11 ans et j’ai eu une méningite fulminante à méningocoque C. Deux ans plus tôt, ma mère avait demandé au médecin si elle devait me faire vacciner car un enfant vivant près de chez nous avait eu la maladie, mais on lui avait répondu qu’il ne fallait pas s’inquiéter ».
La méningite nécrose les quatre membres de Beatrice et ne lui laisse que 3% de chances de survie. Bebe Vio ne doit sa survie qu’à l’amputation de ses jambes et de ses avant-bras. La maladie cause aussi des dégâts sur son visage, encore gravé de cicatrices.
La native de Venezia aux yeux azur sort de son séjour de trois mois à l’hôpital avec les quatre membres amputés mais avec la ferme volonté de reprendre l’escrime, un sport qu’elle pratique brillamment depuis l’âge de 5 ans (elle figurait au 5e rang national de sa catégorie d’âge). En un an, Bebe reprend l’école et participe aux championnats nationaux paralympiques : « J’ai aussi pu compter sur le soutien de mon père qui, bien n’y connaissant pas grand-chose, a aidé à la mise au point des prothèses avec lesquelles on m’a reconstruite avec un centre d’orthopédie spécialisé, un peu comme un Lego »
Un retour à la vie normale en un temps record qu’elle doit à une ténacité hors normes et aussi à la rencontre de deux sportifs amputés des jambes : le Sud-Africain Oscar Pistorius et l’ancien pilote de Formule 1 italien, reconverti dans la course handisport : Alessandro Zanardi. Tous les deux lui ont transmis le même message: « Tu es amputée, eh bien tu t’en fiches. Bouge-toi et va faire ce que tu as envie de faire »
« J’ai eu la chance de croiser Oscar Pistorius et Alessandro Zanardi grâce à mes parents, et me suis dis que c’est à moi d’être l’exemple à suivre, de servir de guide »
Nouvelle vie, nouvelle carrière..
À son retour à la compétition, Bebe, qui avait l’habitude de disputer les compétitions de valides au milieu de 2500 gamins, constate la présence de seulement 28 athlètes aux championnats nationaux paralympiques 2010. Déçue, elle demande l’aide du président de la Fédération italienne d’escrime. Ce dernier décide de fusionner les sections valides et paralympiques. Un cas unique dans le sport Italien, rendu possible grâce à la pétillante fleurettiste dont l’influence grandira avec les années..
Jugée trop jeune pour participer aux Jeux Paralympiques de Londres 2012, Beatrice Vio est néanmoins présente à la fête en étant l’une des dernières porteuses de la flamme olympique et en animant une chronique quotidienne sur la chaîne de télévision Sky Italia. Le public italien la découvre et s’entiche d’elle.
Dès 2009 ses parents fondent l’association art4sport ONLUS, qui vient en aide aux enfants amputés afin qu’ils puissent pratiquer leur sport. Bebe devient un emblème, une source d’inspiration. Plus encore après sa médaille d’or au fleuret lors des Jeux paralympiques de Rio en 2016 assortie du bronze par équipe. Une performance que l’italienne de 24 ans vient de rééditer aux actuels Jeux paralympiques de Tokyo en remportant la médaille d’or en escrime sur fauteuil roulant (fleuret, catégorie B)
« Je me suis rendu compte que j’aimais beaucoup plus l’escrime en fauteuil roulant que l’escrime debout. En escrime debout, si vous avez peur, vous pouvez vous reculer. Assise, vous ne pouvez pas vous échapper. Vous ne devez pas avoir peur.»
Une reconnaissance et des ambitions sans limites..
Sa réussite fait de Bebe l’égérie de plusieurs grandes marques comme Toyota, Nike, L’Oréal.. Des marques avec lesquelles elle a des contrats liés à des projets sociaux ou inspirants. L’italienne a même eu droit à une poupée Barbie spéciale à son effigie.. Avec son doublé Baccalauréat – médaille d’or 2016 en poche, celle qui a désormais une importante exposition médiatique internationale et des fans comme Barack Obama, s’est recentrée sur ses études en s’orientant vers les relations internationales et la communication.
Ses objectifs? Devenir présidente du comité paralympique italien en 2028 puis du comité olympique italien en 2032 et unifier les deux. Farouche défenseuse de l’égalité entre sportifs, elle a pu dernièrement obtenir que les athlètes paralympiques italiens perçoivent des salaires, alors qu’ils ne touchaient que 300€ de défraiements mensuels auparavant.
Celle dont la devise est « La vie c’est trop bien !» ouvrira en Octobre prochain à Milan la BebeVio Academy qui sera ouverte à la pratique de 5 sports paralympiques pour les jeunes (amputés et valides) de 6 à 18 ans en vue de favoriser l’intégration et réduire les préjugés.
« L’intégration et l’absence de préjugés doivent venir des plus jeunes. La clé c’est quand un parent ne dira plus à son enfant : « ne le regarde pas ! » à propos d’un handicapé, mais : « va lui demander comment fonctionne sa prothèse ou son fauteuil »
À méditer..
(Sources: Valentin Pauluzzi pour Le magazine L’Équipe // Agence France-Presse)