Âgé de 80 ans, le boxeur vient de s’éteindre chez lui à La Marsa. Ancien numéro 4 mondial, il a marqué l’histoire de la boxe en Tunisie dans les années 60 et 70.
Par Laurent Pruneta
Il est parti après avoir livré jusqu’au bout son ultime combat, avec la même détermination et le même courage, qui l’animaient sur les rings. Né le 24 juillet 1941 à Selta (Gouvernorat de Kasserine) Tahar Ben Hassen a marqué l’histoire de la boxe en Tunisie dans les années 60 et 70. Rien ne prédestinait cet enfant issu d’une famille modeste, à parcourir le monde, du Japon au Mexique, en passant par la Russie… Ni à fréquenter le gratin politique ou du show-business à Paris (Jean Marais , Jean-Paul Bemondo, Johnny Hallyday …). Son histoire , c’est d’abord celle d’une magnifique ascension sociale grâce à la boxe. Un jour, une initiation à la boxe avait été organisée pour les jeunes, il enfila les gants et son destin s’en est retrouvé bouleversé .
Formé à l’Alliance sportive de Tunis, il a remporté tous les titres amateurs de Tunisie , en mouches , coqs et super-plumes. Champion du monde militaire en 1961, il a participé aux Jeux Olympiques de Rome en 1960 puis de Tokyo en 1964. En 1966, Tahar Ben Hassen passe professionnel à Paris, dans le club du Red Star de Saint-Ouen, entraîné par le grand Gaëtan Micaleff. Il travaille en parallèle dans une imprimerie. S’il vit en France où il rencontra sa femme Michèle et où il disputera un grand nombre de ses combats, il restera toujours très attaché à la Tunisie. Refusant d’opter pour la nationalité française et même lors d’un combat à l’étranger, de monter sur le ring tant que le drapeau tunisien ne soit pas dressé à ses côtés.
Son palmarès (26 victoires dont 15 par KO, 3 nuls, 8 défaites) ne reflète pas l’immense talent de ce boxeur de classe, volontaire et possédant une frappe redoutable. Mais il a souvent subi la malchance ou des décisions injustifiées. Son plus bel exploit, il l’a réussi le 2 mai 1971 au palais des sports de Madrid. José Legra, fier cubain de Madrid, champion d’Europe et futur champion du Monde des poids plumes, s’était montré arrogant et méprisant vis à vis du courageux Tahar. Ce combat ne devait être qu’une formalité pour lui. Mais devant un public espagnol médusé, le Tunisien lui infligea un retentissant KO à la 4e reprise. Une humiliation pour Legra alors invaincu en 30 combats. Pour Tahar Ben Hassen , cet exploit lui ouvrira logiquement des portes. Il s’envole pour Monterey au Mexique disputer une demi-finale mondiale le 21 novembre 1971 face au local Clémente Sanchez. Ce soir-là, l’ambiance est hostile et le chauvinisme porté à son paroxysme à l’encontre du champion tunisien. Mais fidèle à son tempérament, même blessé , il s’accroche. Il doit néanmoins céder sur un coup qu’il a toujours affirmé comme irrégulier à la 8e reprise.
Comme à son habitude, Tahar Ben Hassen a ensuite réussi à se relever, demeurant parmi les meilleurs mondiaux de sa catégorie, enchaînant les victoires et réussissant un nul face au champion d’Europe allemand Lothar Abend, chez lui à Berlin , le 3 juin 1973.
Les championnats d’Afrique des plumes organisés le 2 février 1974 à Tunis auraient dû constituer l’apogée de sa riche carrière. Ce combat avait suscité un énorme engouement en Tunisie. Malheureusement le grand Tahar, souffrant, n’était pas ce jour-là en pleine possession de ses moyens physiques. Mais poussé par la pression médiatique et populaire, on l’obligea à monter sur le ring, même malade. Dans ces conditions, il fût une proie facile pour le Ghanéen Kotey dit « Poison » qui le mit KO au 1er round. Tahar Ben Hassen a toujours regretté de ne pas avoir pu défendre ses chances à armes égales.
Mais si certains lui ont tourné le dos, il restera fidèle au milieu de la boxe, comme entraîneur de l’équipe nationale de Tunisie où il contribua à l’éclosion de nombreux boxeurs comme Taoufik Belbouli, champion du Monde WBA des lourds-légers en 1989, Kamel Bouali, champion du Monde WBO des super-plumes en 1989, ou Khemaïs Refaï.
Très sociable, chaleureux, il aimait profondément les autres.
Homme de valeurs et de convictions, sa gentillesse, son sens du partage ont toujours fait l’unanimité autour de lui.
Sa dernière apparition publique a eu lieu le 17 août 2019 lors d’un gala à la Marsa où il fût décoré et honoré. Comme un passage de témoin symbolique en direction des jeunes générations qu’il a pris tant de plaisir à former.
Au revoir Champion..