Parce que le football tunisien a vécu aussi des déceptions et des frustrations, revenons sur la Coupe d'Afrique des Nations en 1994, et d'une sélection tunisienne qui revenait sur le devant de la scène continentale avec l’organisation de la CAN. Un échec qui a laissé ses séquelles sur le football tunisien...
12 années d’absence et des espoirs pleins les yeux..
L’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations 1994 en Tunisie est bien reçue par les supporteurs de football à travers le pays : d’une part, le fait qu’une génération entière va enfin connaître les joies de la Coupe d’Afrique des Nations (et la ferveur dans le pays pendant deux semaines), d’autre part, pour voir les meilleurs éléments (ou la période faste commence fin des années 1980) enfin pouvoir se confronter au gratin du berceau de l’humanité.
En 1993, lors des qualifications au Mondial 1994, organisé par les États-Unis, le sélectionneur alors en place, Mrad M’hajoub, avait façonné un groupe comprenant des joueurs issus de divers clubs du pays. Dans le groupe F (accompagné du Bénin, l’Éthiopie et du Maroc) la Tunisie réalisa un bon parcours en ne perdant aucun match, avant, malheureusement de sortir une prestation bien terne lors du dernier match crucial contre les Lions de l’Atlas (0-0) au complexe sportif Mohammed V. Les larmes de Khaled Ben Yahia, qui joue son dernier match avec la sélection, montre à quel point la déception est grande, les Aigles de Carthage n’iront pas aux USA, le tacticien M’rad Mahjoub sera remercié par la Fédération Tunisienne de Football et … Youssef Zouaoui deviendra head-coach des Aigles de Carthage.
1994, la sélection au cœur de tous les débats
Cette année commence par un match amical face aux Pays-Bas pour les hommes de Youssef Zouaoui, une sorte d’avant-goût de la Coupe d’Afrique des Nations pour le public de la sélection venu en masse dans les travées du stade olympique d’El Menzah (45 000 supporteurs) pour voir le onze Tunisien affronter les Oranje et leur pléiade de joueurs (Frank Rijkaard, Ronald Koeman, Frank de Boer, Dennis Bergkamp, Aaron Winter, Ronald de Boer, Marc Overmars etc..) coaché par Dick Advocaat.
La Tunisie montrera des bonnes séquences dans le jeu et les deux sélections se neutraliseront (2-2) : Faouzi Rouissi a ouvert le score avant que Frank Rijkaard ne lui réponde, la Perle Noire (Ayadi Hamrouni) donna l’avantage de nouveau aux Aigles avant que Ronald Koeman sur coup-franc n’égalise pour les Oranje. La préparation continue avec plusieurs matchs nuls contre des adversaires plutôt abordables et une défaite (0-2) contre la Géorgie lors du Tournoi de Malte, quand bien même le groupe se rassure quelques jours avant le commencement de la CAN, en s’imposant en amical (4-2) face au Niger et un récital des joueurs offensifs, qui semblent trouver leurs automatismes.
Le stade olympique d’El Menzah.. un volcan éteint
Le coach Youssef Zouaoui décide de prendre dans la liste pour la Coupe d’Afrique des Nations 22 joueurs dont : Chokri-El Ouaer, Mounir Boukadida Mohamed Ali Mahjoubi, Taoufik Hicheri, Samir Sellimi, Faouzi Rouissi, Ayadi Hamrouni, Zied Tlemçani ou Jameledine Limam pour ne citer qu’eux ..Sur le papier, la formation est armée pour remporter la 1e Coupe d’Afrique des Nations de l’histoire du pays. Le format de la compétition était bien différent d’aujourd’hui, les groupes comptaient 3 équipes et le 1e match était en quelque sorte primordial et conditionne le reste de la compétition.
Pour le match d’ouverture du tournoi, la sélection accueille le Mali, les tribunes d’El Menzah sont combles et les rues de Tunis sont vides, les supporters n’attendent que la victoire face à une valeureuse formation malienne. La Tunisie se montre dangereuse mais manque de réalisme face aux buts de Ousmane Farota, jusqu’à la 25e, et sur une attaque placée, le joueur d’Al-Wehda Club, Fernand Coulibaly reçoit le ballon dans la surface tunisienne et s’en va tromper Chokri El-Ouaer. Les Aigles du Mali mènent contre toute attente devant un public d’El Menzah bouche bée. Quelques minutes plus-tard, sur une erreur de placement de la défense axiale tunisienne le Mali obtient un coup-franc aux abords de la surface tunisienne, Modibo Sidibé s’élança et trompa le keeper Chokri El-Ouaer (0-2) avantage pour les joueurs de Mamadou Keïta juste avant la pause …
Le retour des vestiaires s’annonce comme une mission commando pour le onze tunisien, Mohamed Ali Mahjoubi tente de loin, Faouzi Rouissi fait jouer ses talents de percussions pour tromper le gardien Ousmane Farota (qui sera imparable ce jour-là).. sans succès. Taoufik Hicheri un des leaders charismatiques du groupe sortira de son match en taclant gravement un joueur adverse et sera exclu par l’arbitre mauricien Lim Kee Jong, et l’arrêt de Chokri en fin de match évitera l’humiliation ultime …
Les jours qui suivent, Youssef Zouaoui est débarqué par la FTF et Faouzi Benzarti assure l’intérim dans un contexte complètement morose. Le tacticien arracha le point du match nul contre le Zaïre (actuel République Démocratique du Congo) Faouzi Rouissi marquera sur penalty avant que Nsumbu Ngoy n’égalise pour les Léopards (1-1) mais le groupe terminera 3e (dernière place du groupe A). La claque est terrible pour la FTF, le ministère de la jeunesse et des sports, le football tunisien toucha le fond avec une sortie prématurée, dès la phase de groupe..
La période post-1994 et émergence d’une génération dorée
Henryk Kasperczak devient, alors, sélectionneur après cette élimination brutale à la CAN 94. Ses premiers matchs ont clairement montré la voie à prendre pour la sélection, au cours de la fin des années 1990. Le tacticien franco-polonais décide de ne plus compter sur la grande majorité des joueurs ayant participé au fiasco d’El Menzah et par conséquent, de faire confiance à des jeunes joueurs avec un fort potentiel évoluant dans les meilleures formations du pays. De ce fait, sur les 22 joueurs qui participeront à la Coupe d’Afrique des Nations 1996 en Afrique du Sud et aux Jeux Olympiques 1996 d’Atlanta, seuls 4 joueurs étaient de l’échec d’El Menzah en 1994 (Chokri El-Ouaer, Mounir Boukadida, Jameledine Limam et Adel Sellimi).
L’épilogue de cette histoire nous le connaissons tous, avec un esprit revanchard, le onze de Henryk Kasperczak s’est racheté une image auprès des citoyens tunisiens et ira en finale de la CAN 1996…