Son action de sponsoring inédite a récemment fait le tour du monde. Le Club féminin de Carthage, qui vient de souffler sa 10ème bougie, fait aussi parler de lui à travers son incontestable hégémonie sur le volleyball tunisien. Culture, modèle économique, valeurs.. découvrez le CFC, un club qui assume pleinement son rôle sportif mais aussi éducatif et social.
Un sponsor pas comme les autres
Devenue la première équipe à arborer une loi comme sponsor -la loi 58-2017 relative à l’élimination de la violence à l’égard des femmes- le Club Féminin de Carthage a innové en intégrant la dimension sociétale au marketing sportif.
Le site 58-2017.tn permettant d’avoir accès (dans un format pensé pour les réseaux sociaux) aux articles les plus importants relatifs à la protection de la femme contre la violence physique, morale ainsi que les discriminations économiques, est désormais fièrement porté par les Carthaginoises depuis la dernière finale de Super Coupe de Tunisie (remportée 3-0 devant le CSS, ndlr) .
La génèse du Projet
Initiateur du Projet, le Creative Director Mehdi Lamloum nous a déclaré : « Je pensais au sujet de la violence à l’encontre des femmes depuis un certain temps à cause des évènements dans le pays, notamment la recrudescence de la violence dans les médias… Je me suis demandé comment créer un concept qui puisse connecter la cause et le club. L’idée du sponsor loi est née de là ; ça n’a pas nécessité beaucoup de moyens mais surtout de la bonne volonté. Le Bureau Directeur du CFC a été très coopératif et le fait que le club soit autant tourné vers la communication et le digital a aidé à la concrétisation rapide du Projet »
Pour Dr Khaled Ben Amor, porte-parole et co-fondateur du club, le rayonnement sportif et la très belle image que renvoie le CFC a grandement contribué à ce « matching » et permis au club de fêter différemment son 10ème anniversaire. Cet ancien handballeur international junior nous a même, dans ce sens, fait part de possibles collaborations dans le futur autour du thème du sport et de l’activité scolaire.
Nous lui avons par ailleurs posé ces quelques questions auxquelles il a répondu avec entrain et lucidité :
Ettachkila : Bonjour Dr Ben Amor. Le CFC a à la fois été auréolé d’une nouvelle Super Coupe de Tunisie, fait parler de lui à l’international et fêté son 10e anniversaire. Par quoi devons-nous commencer par vous féliciter ?
Dr Khaled Ben Amor : Bonjour et merci beaucoup pour cette invitation. Au fait, c’est une occasion qui est venue couronner un tout : nous avons choisi de fêter différemment notre 10e anniversaire en optant pour un sponsor en adéquation avec nos valeurs et ce succès sportif s’inscrit dans la tradition d’excellence de notre jeune club qui a déjà remporté la bagatelle de 18 titres en 10 ans. Nous avons par ailleurs joué toutes les finales africaines depuis 2014 en en remportant deux après près de trois décennies de disette pour le volley féminin tunisien.
En plus de cette réussite sportive, notre club, qui a été fondé dans l’optique de sauver le sport féminin tunisien menacé de disparition en 2011, est également impliqué dans le développement social et scolaire en assumant un rôle éducatif et social.
Ettachkila : Comment cela se traduit-il au quotidien ?
Dr Khaled Ben Amor : Partant de notre intime conviction que le sport ne va pas à l’encontre de la scolarité -bien au contraire- nous avons créé des aires de jeu dans certaines écoles primaires et nous-nous sommes liés avec des centres de promotions du volleyball dont proviennent 80% de nos jeunes. Notre action vise également à fournir le support nécessaire dans le domaine d’assistance médicale et sociale ainsi que dans celui de la scolarisation (nous finançons même les études supérieures de certaines de nos joueuses).
« Nous avons observé une corrélation positive entre la pratique du sport et les résultats scolaires. Il a été par ailleurs prouvé que le sport augmente l’intelligence en développant la coordination et en stimulant les circuits neurologiques »
Dr Khaled Ben Amor
Ettachkila : Quel est le modèle économique du club dans un contexte aussi précaire (statuts archaïques, absence de prize money en cas de titres gagnés notamment) ?
Dr Khaled Ben Amor : Face à une situation institutionnelle aussi fragile (plusieurs sections féminines dissoutes depuis 2011, absence de ressources, un Etat démissionnaire..), nous avons réussi à mettre sur pied un club performant en nous basant sur un socle de dirigeants passionnés et désintéressés. Notre modèle économique c’est 80% de mécénat et 20% de sponsoring. Malgré les difficultés, on arrive à ficeler les fins du mois et, point non négociable, nous payons nos joueuses en temps et en heure.
Pour être en ligne avec nos ambitions, notre priorité actuelle est d’avoir une salle car, figurez-vous, en plus du fait qu’un club de volleyball féminin ne touche aucune somme en remportant un titre national ou continental, le CFC n’a pas de domicile fixe (nos entrainements se font entre les salles de La Goulette et de Sidi Bou Saïd). À date, nous avons trouvé un investisseur potentiel mais il nous reste encore à régler la question du terrain.
Ettachkila : Comment le CFC est-il devenu en si peu de temps cette machine de guerre qui rafle autant de titres nationaux et continentaux ?
Dr Khaled Ben Amor : Le CFC c’est d’abord une famille qui vit bien et qui transmet une exigence au quotidien à travers des conditions de travail optimales et un niveau d’entrainement élevé. Nous avons, très vite après la création du club, été confrontés à l’élite et effectué quelques stages à l’étranger. Notre premier Championnat de Tunisie a été remporté un an après notre montée en 1ère division suite à une saison en 2ème division où l’on gagne tous nos matchs sans concéder le moindre set. Ceci a créé une dynamique de victoires et d’excellence. L’appétit des titres est venu en mangeant.
« Le CFC est devenu une marque de fabrique, un club qui fait progresser ses joueuses grâce au travail de toutes les parties prenantes : du Bureau Directeur au kiné en passant par la Direction Technique et le coach. »
Dr Khaled Ben Amor
Un groupe qui vit bien
Si pour certains il est évident que le Six de Carthage domine aussi outrageusement le volley tunisien grâce à la qualité intrinsèque de ses joueuses, pour Abir Othmani (au club depuis sa création en 2011) l’équation n’est pas aussi simple qu’elle n’y paraît. Pour cette centrale internationale, « la présence d’autant de joueuses cadres dans le même club pouvait être source de problèmes, mais grâce à l’esprit famille et à la saine ambiance de travail, l’alchimie a pris et les résultats sportifs sont venus récompenser cet état d’esprit. ». La même joueuse a rappelé également que « le club encourage très tôt ses licenciées à réussir dans leurs études avec notamment un système de primes tributaire des résultats scolaires »
Atteindre le sommet et y demeurer
À la question de comment garder un niveau de motivation élevé dans un club qui joue sur tous les fronts, Abir nous a répondu que : « devenue l’équipe à battre, le CFC n’a désormais plus le droit à l’erreur. La culture de la gagne est transmise par les cadres au quotidien à travers l’engagement total lors de chaque entraînement, chaque point disputé.. mais aussi à travers l’exemplarité et la bonne hygiène de vie montrée aux jeunes. C’est notre esprit famille qui a été le garant du succès sportif ; le collectif passe avant les individus. »
Des raisons d’y croire
Une belle success-story partie pour durer pour ce club qui croit en ce qu’il fait et qui perpétue les valeurs d’excellence et de mérite. Un club qui milite aussi pour un sport féminin débarrassé des discriminations et qui ouvre des horizons sociaux dans un pays devant encore se réconcilier avec ses jeunes. En tout cas, le Club féminin de Carthage nous donne aujourd’hui toutes les raisons d’y croire..
Walid Helali