Football : Il Professore Scoglio et le Aquile di Genoa..

Au tournant des années 2000, la sélection connait l'un de ses âges d'or grâce à l'arrivée de "il professore" italien Francesco Scoglio, qui a laissé son empreinte sur le football tunisien. Revenons sur la brève expérience de plusieurs aigles de Carthage, dans la ville portuaire de Gênes, et plus exactement au Genoa Cricket and Football Club..

Avant de replonger dans les coulisses de la Dolce Vita de nos «Tunisini», et le rôle de l’emblématique entraîneur Francesco Scoglio (paix à son âme) entre les deux rives de la méditerranée, revenons un peu sur l’histoire de cette magnifique ville de Genova et son club mythique du Genoa CFC..

La Lanterna, il Calcio et.. James Spensley

Tout a commencé le 7 Septembre 1893 (il y’a 126 ans), quand des hommes d’affaires britanniques, basés dans la ville de Gênes, fondent sous le nom de Genoa Cricket and Athletic Club (le club adopte son nom actuel en 1945) le premier club de football de la ville. La formation génoise, qui était réservée aux britanniques résidents en Italie au départ, s’est ouverte au fil du temps aux joueurs italiens. Son premier entraîneur fût l’anglais : James Richardson Spensley, médecin de profession et gardien de but puis défenseur, ce dernier a marqué l’histoire dell Grifone (surnom du club en référence au griffon sur l’écusson).

Pour l’histoire, ce club a été la première association sportive à connaitre une hégémonie en remportant 6 trophées du Campionato Italiano di Football (de la création de ce dernier en 1898 jusqu’en 1904). Cette formation Rossoblu est alors dénommée.. Il primo grande Genoa.

Surnommé Il Professore, Francesco Scoglio était un technicien très populaire en Italie, de part ces ses nombreuses interventions à l’occasion d’émissions de télévision et aussi pour sa grande carrière à la tête de plusieurs petits clubs italiens. Son histoire d’amour avec le Genoa a commencé à la fin des années 1980’s, et a duré deux saisons entre 1988 et 1990 (il remporte avec le Genoa le championnat de Serie B). Il revient ensuite trois ans après, entre 1993 et 1995 (il a été remplacé en cours de saison par Claudio Maselli), avant de tenter un dernier passage entre 2000 et 2001. Durant cette dernière aventure à la tête des Vecchio Balordo, Scoglio a ramené dans ses valises plusieurs joueurs de la sélection, une belle histoire qui avait marqué l’histoire du football tunisien à la fin du 20e siècle..

La CAN 2000 comme confirmation..

Tout a commencé suite au limogeage de l’entraîneur franco-polonais Henryk Kaspersczak, durant la Coupe du Monde 1998. C’est à ce moment que la Fédération Tunisienne de Football a souhaité engager un coach expérimenté pour continuer la travail de fond mis en place après l’échec de 1994 ( vous pouvez retrouver ici : CAN 1994). L’ancien président de la FTF, Tarek Ben Mbarek prend ainsi le pari de nommer Francesco Scoglio en tant que sélectionneur des aigles de Carthage, lui, qui jouissait d’une forte réputation en Italie (malgré qu’i n’a jamais entraîné hors de la botte et de sélection).

Son aventure à la tête de la Tunisie débute avec les qualifications de la CAN 2000, les Aigles de Carthage héritaient d’un groupe assez intéressant avec le Liberia (qui compte un certain George Weah), l’Algérie et l’Ouganda. Les hommes du technicien italien réussissent totalement leur campagne, en remportant 5 matchs en six rencontres, et terminent à la tête groupe 7 avec 15 points au compteur et la meilleure attaque (13 buts) des éliminatoires.. Un bilan très honorable !

La CAN 2000 se déroula au Mali et l’équipe tunisienne aborda cette compétition avec une confiance absolue et beaucoup d’enthousiasme. En dépit d’un revers lors du premier match face au Nigéria (4-2) au National Stadium de Lagos, le onze tunisien se qualifiera lors du troisième match grâce à un but de Radhi Jaïdi face au Congo (1-0). Il Professore (surnom de Francesco Scoglio) se basa sur une défense solide et la formation tunisienne s’est faite une réputation dans le reste du continent. Après une qualification en quart de finale face à l’Egypte (1-0), les coéquipiers de Khaled Badra ont sèchement perdu en demi finale face au Cameroun sur le score de (3-0) – Pour l’histoire, la Tunisie a perdu le match pour la 3e place face aux Bafana Bafana de l’Afrique du Sud (2-2 ap.4-3 tab.).

Pour son retour à Tunis, la sélection tunisienne enchaîne avec les qualifications pour le Coupe du Monde en Corée-Japon 2002 et réalise un carton plein avec 10 points en 4 matchs (11 buts pour 4 encaissées). Alors que tout allait très bien pour les aigles de Carthage, avec une large victoire face à la République Démocratique du Congo (6-0), Francesco Scoglio décida de démissionner de son poste, pour venir en aide à son club de coeur, le Genoa, alors en difficultés dans les tréfonds de la Serie B.

« Il a vécu ce club comme personne d’autre, quelque chose de magique s’est créé entre lui et les supporters. Lors de son premier passage en 1988, il annonce 51 points pour la montée et il en fait 50. C’était un Mourinho avant l’heure, il savait donner des signes forts à son équipe et était très saignant dans ses conférences de presse. C’était une personne qui prenait ses responsabilités et qui était très sûr de son fait »

Giovanni Porcella, présentateur de télé italien

Malgré la volonté du coach italien de cumuler les deux postes de sélectionneur de la Tunisie et entraîneur de Genoa, celle-ci a été refusée par Khaled Sanchou (alors président de la FTF en 2001). L’histoire de Scoglio avec la Tunisie aurait pu s’arrêter là, mais s’était sans compter sur l’amour de l’italien pour le pays du jasmin…

Le retour d’il Professore et le Genoa de 2001

C’est Enrico Scerni (surnomé Gianni) qui briguait un mandat de deux ans avec les Rossoblu (1999-2001) qui a choisi le 25 Février 2001, Francesco Scoglio en tant que head-coach. Le tacticien, qui joue d’un grand respect en Ligurie, réalisa une belle remontée au classement en terminant 12e de Serie B et sauver le club.

Fort de son succès, le tacticien aborda la saison 2001-2002, avec beaucoup de certitudes. Au vue de son mercato et sous ses recommandations, le Genoa CFC se renforça alors avec l’arrivée de plusieurs joueurs internationaux tunisiens : l’emblématique gardien Chokri El-Ouaer, le défenseur central Khaled Badra et les milieux de terrain Raouf Bouzaiene, Imed Mhadhebi et Hassan Gabsi. La ville de Gênes, déjà assez connu au pays du Jasmin pour son port qui accueille des milliers d’expatriés en Europe qui traversent la méditerranée par ferry pour retrouver la Tunisie pendant les vacances, deviendra alors le sujet des discussions de plusieurs passionnés du ballon rond, pour sa diaspora tunisienne..

L’exercice 2001-2002 en Serie B débute plutôt bien pour il Griffone avec 5 victoires, 3 nuls et 2 défaites lors des huit premiers matchs. Trois joueurs tunisiens se distinguent parmi la bande, et en particulier Khaled Badra pour qui Il Professore accorda sa confiance d’entrée. Le natif de Kairouan au 96 sélections, disputa 20 matchs sur 24 durant les six premiers mois, Hassan Gabsi et Raouf Bouzaiene vont, eux aussi, avoir beaucoup de responsabilités dans le onze de départ (les deux joueurs vont participer à 14 matchs sur 23 pour le premier et 17 rencontres pour le deuxième). Concernant Imed Mhadhebi, qui hérite du surnom Tigana Dell’Africa (un surnom donné par le tacticien italien et reprit par les commentateurs), il sera cantonné au rôle de joker entrant pour dynamiser l’attaque en seconde mi-temps (il n’a joué que 11 matchs dont seulement 4 comme titulaire). Le grand point d’interrogation concerne le portier Chokri El-Ouaer, arrivé en Liguria avec le statut d’un des meilleurs gardiens africains des années 1990, alors âgé de 35 ans, ce dernier ne commence pas la saison comme titulaire et intègre la formation initiale à partir de la 10e journée (victoire 4-0 face à la Salernitana). Suite à cette bonne performance, le keeper est de nouveau sur le terrain pour le Derby della Lanterna (succès 1-0), en compagnie de Khaled Badra et Imed Mhadhebi, mais ses carences lui ont, malheureusement, coûté sa place de titulaire… au total il aura joué 5 matchs sous le maillot du Genoa.

La triste fin pour Scoglio..

Francesco Scoglio a été remercié le 29 Décembre 2001 par Lugi Dalla Costa (néo-président alors) malgré des bons résultats (4e place de Serie B) et suite à des conflits avec les dirigeants du club. S’en suit alors les retours à l’Espérance de Chokri El-Ouaer et Khaled Badra pendant le mercato hivernal. Parmi « les Tunisini de Genoa » seuls Raouf Bouzaiene, Imed Mhadhebi et Hassan Gabsi prolongeront l’expérience en Liguria jusqu’en 2003.

La saison 2002-2003 a été catastrophique pour le Genoa qui termine 18e mais échappe de justesse à la relégation en Serie C1 (grâce à la réforme sur l’extension du nombre d’équipe en Serie B à 24 clubs). En Juin 2002, les trois joueurs sont convoqués pour la Coupe du Monde en Corée du Sud et au Japon avec la Tunisie, et retournent dans la foulée en Ligue Professionnelle 1 lors du Mercato estival : Imed Mhadhebi au Club Sportif Sfaxien, Hassan Gabsi à l’Espérance et Raouf Bouzaiene à l’Étoile Sportive du Sahel.

Pour les tifosi Rossoblu, il faudra attendre 2008 pour voir un autre international tunisien dans l’effectif du Genoa CFC en la personne de Selim Ben Djemia (4 sélections).

Le 3 Octobre 2005, l’ancien entraîneur italien de Gênes et de la sélection nationale de Tunisie, Franco Scoglio, qui était annoncé en grande pompe durant l’intersaisons à la barre technique de la JS Kabylie, est mort des suites d’un malaise lors d’une émission de télévision en direct. Scoglio, qui était âgé de 65 ans, s’est senti mal lors d’un débat tendu au téléphone avec le président du club de Gênes, Enrico Preziosi, organisé par la chaîne de télévision privée Primo Canale. La diffusion de l’émission a été interrompue et les services de secours sont aussitôt intervenus. Mais Scoglio n’a pu être réanimé et il décède d’un infarctus en ayant prédit ses derniers mots : « Morirò parlando del mio Genoa. » (Je mourrai en parlant de mon Genoa).

« Il Professor » était un homme au discours franc et sincère, un professionnel hors du commun, qui a marqué le football tunisien par bienveillance et son amour… Grazie di tutto coach, on ne t’oubliera jamais !

Riposare in Pace il Professore.