Hamdi Meddeb n'est pas encore parti, mais sa mise en retrait va bien signifier la fin d'une ère à l'Espérance. Ettachkila revient sur la trajectoire, les méthodes et la personnalité de celui qui a définitivement installé l'Espérance comme place forte du sport national et africain.
Un président à bout
À 70 ans, Hamdi Meddeb, qui restera président de l’Espérance pendant encore quelques temps, a déclaré en marge des travaux de la dernière Assemblée Générale du club de Bab Souika vouloir « passer la main » en raison d’une santé affaiblie. Si cette décision était dans l’air depuis quelques temps, son timing a quelque peu surpris au sein de la famille Sang et Or. Car même s’il avait par le passé fait (à plusieurs reprises) allusion à sa volonté d’arrêter l’aventure à la tête du doyen des clubs tunisiens, l’officialisation a pris les Espérantistes de court. Mais le président l’a reconnu : continuer d’aller au-delà ne ferait que repousser le problème de sa succession, sans jamais le résoudre.
Absent (pour des raison de santé) du Parc Hassen Belkhodja depuis quelques semaines, l’omniprésent Hamdi Meddeb a fini par se faire une raison : « Je ressens un (grand) pincement au cœur en vous l’annonçant, mais ma santé ne me permet plus d’assurer/assumer un poste de responsabilité avec un rythme aussi intense » a admis l’homme fort de l’Espérance. S’il a acté son départ, Meddeb a promis de réunir le comité des sages dans les prochains jours afin d’échanger et de statuer sur l’avenir du club. Une transition en douceur se mettra donc en place, comme avait explicitement conclu le président lors de l’Assemblée Générale : « même si je quitte mes fonctions, je serai toujours présent pour soutenir financièrement le club »
Comment Meddeb a hissé l’Espérance au sommet de l’Afrique
Homme d’affaires discret et visionnaire, Hamdi Meddeb a construit son patrimoine sur des valeurs sportives qui lui sont chères comme l’esprit d’équipe, l’organisation, le respect, la rigueur et la discipline. À l’Espérance depuis plus de 50 ans (où il évolue avec les cadets puis les juniors à la fin des années 60), il occupe plusieurs postes à responsabilité avant de prendre la présidence durant la saison 2007-2008 en succédant à feu Aziz Zouhir. Homme de consensus ne lésinant jamais sur les moyens, Meddeb a réussi à forcer le respect et l’admiration autour de lui et à se placer dans la lignée des plus grands présidents qu’auront connu les Giallorossi dans leur longue histoire
Depuis son arrivée à la tête du club, Meddeb n’a pas hésité à donner au club de Bab Souika les moyens de ses ambitions en vue de l’installer dans l’ère du foot-business. Il opère alors une évolution dans le management du club, permettant à l’Espérance d’éponger sa dette, de renforcer son autonomie financière (grâce notamment à de florissantes structures comme Taraji Mobile ou Taraji Store) et d’inaugurer de nouveaux partenariats commerciaux. Hamdi Meddeb a structuré son club comme il structure ses entreprises du groupe Délice (introduit à la Bourse de Tunis en 2014, ndlr), mais avec la passion du fidèle supporter en prime.
Des sections qui affolent les compteurs
Si la gestion « entrepreneuriale » de l’Espérance a quelque peu fait jaser en Tunisie, elle a le mérite de fonctionner : sous son égide, l’EST s’impose comme le patron du sport tunisien et redevient vite un club qui compte en Afrique (devant des clubs aux structures gigantesques comme Al Ahly), avec notamment trois Ligue des Champions (en 2011, 2018 et 2019) et des sections qui font tomber les records en Tunisie et qui sont redevenues très performantes sur l’échelle arabe et continentale en Hand et en Volleyball. Au total, l’ère Hamdi Meddeb c’est 76 trophées majeurs : 24 en football, 25 en Handball et 27 en volleyball.
Une gestion plutôt « opérationnelle », mais une générosité « no limit »
Pour faire partie du gratin du sport africain, Meddeb n’a pas hésité à sortir le chéquier pour attirer les meilleurs joueurs (Eneramo, Afful, Yannick N’Djeng, Belaili, Badri, Msakni, pour ne citer qu’eux). Malgré quelques ratés, une politique sportive instable et une gestion plutôt opérationnelle que stratégique, sous sa houlette l’Espérance a incarné la culture d’excellence qui caractérise cet homme fuyant les sorties médiatiques, pour devenir un modèle de domination, avec 11 des 16 derniers titres de champion de Tunisie de Football, dont 6 de suite (série en cours, ndlr).
Apprécié de tous, respecté par ses adversaires, Hamdi Meddeb devrait donc passer la main très prochainement. S’il restera le capitaine du bateau le temps d’une transition, le modèle de gouvernance qui sera mis en place n’est pas encore défini. Une chose est sûre : Hamdi Meddeb sera (comme il l’avait déclaré) en soutien financier de son club de toujours et pourra partir avec la fierté d’avoir mené l’Espérance à bon port pendant tant d’années, au bout d’une success story qui forcera à jamais le respect.