L'un des derniers protagonistes de l’épopée de l’EN Cadets 2007 en Corée du Sud encore en activité, Oussema Boughanmi est en train de réaliser un comeback spectaculaire depuis qu’il a rejoint les rangs de l’ES Métlaoui où, sous la houlette de coach Mohamed Kouki, il met son expérience au service des miniers pour réussir l’opération maintien. Retour sur le parcours atypique de ce jeune globe-trotter avec comme mots d’ordre : optimisme et self-leadership.
À la découverte du niveau mondial
Cet après-midi du 20 Août 2007 au Changwon Civil Stadium, il s’en souvient comme si c’était hier : l’atmosphère, l’odeur de la pelouse, le ballon qui fusait…Ce jour-là, la Tunisie de coach Maher Kanzari dictait sa loi (4-2) face à la Belgique des Eden Hazard et Christian Benteke en Coupe du Monde U17 avec un but (et un carton rouge) d’Oussema Boughanmi..
L’aventure tunisienne s’étant arrêtée au stade des 8e de finale face à la France des Mamadou Sakho, Damien Le Tallec et Yann M’Vila, l’ambitieux natif de la grande école du Stade Tunisien (éclos et surclassé chez les poussins de Mouldiet Manouba) voyait en lui le potentiel pour jouer d’égal à égal avec les futures pépites européennes et décide de son propre chef (et sans consulter « les anciens ») de partir en France pour tenter de décrocher un contrat Pro.
Aidé en cela par John Bico (l’agent des frères Hazard) Boughanmi enchaîne les tests en passant d’abord par le Domaine de Luchin (centre d’entraînement du LOSC, ndlr) où il voyait Rio Mavuba et Eden Hazard s’entraîner encore chez les jeunes, puis au FC Metz du tout jeune Miralem Pjanić (que sa maman emmenait aux entraînements), avant d’atterrir finalement à l’En avant Guingamp en signant après la clôture du mercato d’hiver.
Abonné à l’équipe B des pensionnaires du Stade de Roudourou, Oussema ne dispute que quelques matchs en CFA et en Coupe Gambardella.. Voyant le club se renforcer avec quelques milieux d’expérience à son poste (Badara Sène et Lionel Mathis notamment), il s’impatiente car, alors au top de sa forme, il ne joue toujours pas… C’est là que vint l’offre de l’Espérance
« Je m’entraînais sous les ordres de Claude « Coco » Michel, à qui Ronaldinho avait mis une virgule d’anthologie. Je le trollais parfois aux entrainements en imitant sa posture bizarre sur le geste… Il le prenait bien (rires) »
Le « parcours du combattant »
Milieu polyvalent et doté d’une très bonne qualité de frappe, Oussema débarque sur la pointe des pieds à l’Espérance sportive de Tunis en 2009 avec la réputation d’espoir prometteur. Mais à son arrivée, les Sang & Or signeront Khaled Mouelhi, Mejdi Traoui, Houcine Ragued. Ajoutés aux Khaled Korbi, Roger Toindouba et aux jeunes du club, l’effectif devient pléthorique et les coachs (Faouzi Benzarti, Michel Decastel -le coach qui lui fera confiance- et Nabil Mâaloul) se succèdent.
Oussema garde le cap et dépanne aux postes d’arrières gauche et droit. Il fut même à deux doigts de jouer le match de sa vie : la finale retour de la CAF CL 2012 contre AL-Ahy mais Chaker Zouaghi lui a été préféré in extremis (pour le résultat qu’on connaît) alors qu’il était dans le onze-type durant les matchs d’application précédant ce grand rendez-vous. Boughanmi ne totalisera finalement que 18 matchs durant la période 2009-2013 avec l’Espérance. La rupture était consommée…
« On était à un moment neuf pivots sous contrat à l’Espérance. Le coach devait décider qui allait s’entraîner.»
Parti aussitôt à l’Étoile de coach Mondher Kebaier (qui le connaissait bien depuis les sélections des jeunes) pour un passage éclair qui n’aura duré que 6 mois, Oussema initie alors un véritable parcours de globe-trotter qui le mènera tour à tour en Libye (à Al Madina Sporting Club), en Egypte (à Ittihad Alexandrie de coach Hossam Hassan qui l’a fait beaucoup progresser) avant de faire son retour en Tunisie lors de la saison 2015/16 à travers son club formateur (le Stade Tunisien) où il prend le capitanat. Mais l’issue de cette dernière expérience vire au cauchemar avec une douloureuse relégation dont il ne se remettra pas de sitôt..
« Coach Hossam Hassan m’avait piqué devant tout le monde en montrant mon short et en disant que je n’avais pas les cuisses d’un joueur professionnel digne de ce nom… J’avais rapidement atteint le pic de ma forme… En championnat on avait cartonné Al Ahly 1-4 chez eux. »
Reparti mettre le cap sur de nouveaux pays, Oussema fera les deux clubs bahreïnis d’Al-Ahli et d’Al Riffa Club (où il disputera allègrement l’exécution des coups-francs directs à un certain Danilo Petrolli), avant de revenir en Libye à travers Al-Ahly Tripoli, un championnat qu’il devra rapidement quitter suite à la dégradation des conditions sécuritaires au pays en 2019…
La relance
Après s’être éloigné des terrains pendant près de 6 mois, le tout jeune trentenaire amateur de tactique (il ne rate aucun grand match européen entre deux séances de cross training) trouve les ressources mentales et la motivation pour rebondir du côté de l’Étoile sportive de Métlaoui après avoir eu plusieurs touches avec des clubs de LP1 Tunisienne… Auteur de 3 buts en 2 matchs de Coupe de Tunisie (dont un doublé qui qualifie son équipe contre l’ESS aux quarts de finale de la compétition), Oussema se voit coupé dans son élan par une nouvelle interruption (forcée cette fois) causée par le COVID-19.
« Je puise de l’énergie dans les échecs et me donne encore 5 ans pour jouer au football professionnel. »
Revenu affûté suite au travail à distance mené par le staff de Mohamed Kouki (le coach de Métlaoui) ainsi qu’à un travail individuel à base de séances physiques supplémentaires (entraînement fractionné de haute intensité), il continue sur sa lancée en inscrivant d’abord 2 buts en amical (dont un contre l’Espérance ponctuant une très belle prestation collective de Métlaoui) puis en enchaînant 3 buts en 6 journées (portant son total à 4 buts en 10 matchs de LP1), contribuant ainsi avec son leadership et son intelligence de jeu à l’embellie de l’ESM qui prend un grand bol d’oxygène au classement (au moment où cet article est publié, Métlaoui est 11ème de la LP1 à deux matchs de la fin du championnat).
« Aujourd’hui je fais moins de courses longues, j’essaie toujours de me placer pour faire le pressing au bon moment afin d’être frais quand il faut « plonger » en contre-attaque »
Interrogé (avant la reprise post-COVID) sur les ondes de Shams FM sur les chances de maintien de son équipe, Mohamed Kouki (qui a donné les clés du milieu à Oussema) avait instantanément répondu que c’était du 100%. Une confiance contagieuse que relaie Boughanmi sur le terrain… Une chose est sûre, Métlaoui aura du mal à retenir son milieu d’expérience à l’issue de la saison, mais chaque chose en son temps…Et la patience, Oussema connaît bien. Il en est même un spécialiste.