LE JOUR D'APRÈS - Depuis plusieurs jours, nous interrogeons des techniciens tunisiens, sur la façon dont ils envisagent l'après confinement. Le champion d’Afrique, Radhi Jaidi, est revenu avec nous sur la situation sanitaire actuelle, ses répercussions sur le monde du football, et ses projections sur la suite de la saison ...
Depuis son arrivée à Hartford Athletic (Franchise américaine de soccer qui évolue en USL Championship) en février dernier, l’ancienne gloire du football tunisien au physique de NBA, Radhi Jaidi, suit toujours de très près l’actualité du moment, et reste comme tous les amoureux du ballon rond, dans l’attente d’un dénouement clair et précis de cette situation liée à la pandémie du Covid-19.
Récompensé en octobre dernier, à Londres aux Best of Africa Awards, pour son remarquable travail chez les jeunes Saints (surnom des joueurs de Southampton FC), cet acharné de lecture occupe aujourd’hui son confinement entre travail à distance avec son staff et son équipe et séances de sport. À l’heure où les atermoiements se multiplient dans le monde entier sur l’issue des compétitions et les protocoles de reprise, Radhi Jaidi s’est livré à Ettachkila dans cette interview grand format, avec sa franchise et son bon sens habituels…
ETTACHKILA. Bonjour Radhi, comment vivez-vous ce confinement ?
RADHI JAIDI. Sur le plan personnel, j’essaye de rester positif et solide mentalement, surtout depuis l’annonce d’un confinement strict par l’état du Connecticut. Je vous avoue que la première semaine était un peu difficile pour moi, mais avec un peu plus de recul, j’ai bien analysé la situation et j’essaye depuis de persévérer et de bien gérer le déroulement de ma journée du matin au soir. Je m’occupe bien entre mes activités personnelles et professionnelles. En tant que coach principal d’ Hartford, j’ai la responsabilité de m’assurer que tout le monde va bien, et que mon staff et mes joueurs soient toujours mobilisés et motivés, tant sur le plan individuel que collectif.
ETTACHKILA. Parlez-nous de l’état mental de votre équipe ?
RADHI JAIDI. Je bosse particulièrement sur l’aspect psychologique de ma « Team ». Un joueur demeure vulnérable et fragile dans ce type de circonstances. Il est, certes, « formaté » pour être fort psychologiquement, mais il a besoin de soutien mental pour résister aux effets négatifs du confinement. J’ai pris contact avec des amis psychologues, qui m’ont fourni quelques précieux conseils, que j’essaye de suivre et d’appliquer avec mes joueurs, d’une manière permanente et continue.
Durant le confinement, j’essaye en permanence d’adapter mon « speech » à l’équipe …
ETTACHKILA. Et sur le plan physique ?
RADHI JAIDI. Au début du confinement, c’était le sujet le plus préoccupant pour moi et mon staff. Nous avons beaucoup travaillé avec les joueurs sur des programmes individuels pour maintenir leurs conditions physiques. Depuis … disons deux semaines, j’ai baissé un peu la charge de travail pour pouvoir plus facilement relancer la machine dès la reprise des entraînements. Pour le moment, la USL ne fait que repousser la date de reprise et ainsi prolonger le confinement… j’essaye d’ajuster personnellement mon planning, et surtout d’adapter mon « speech » au reste de l’équipe.
C’est une situation inédite à laquelle personne n’était préparé. Par conséquent, nous n’avions pas de référence ou benchmark à suivre. Nous continuons à maintenir la condition physique des joueurs, avec des exercices diversifiés : courses à intensité variée, travail spécifique sur la flexibilité et le stretching, sans oublier le renforcement musculaire… J’ai introduit également des séances de vidéo pour embarquer de manière progressive les joueurs dans ma philosophie de jeu
ETTACHKILA. Comment préparez-vous la reprise des entrainements et du championnat si elles auront lieu ? Appréhendez-vous cette situation ?
RADHI JAIDI. Bien sûr que la reprise me préoccupe énormément, la suite de la compétition (si suite il y a) pourrait s’avérer très condensée et très intense. La fédération ne nous accordera pas les six semaines requises pour faire une préparation optimale (comme celle de l’avant-saison par exemple). Je pense qu’on aura droit à trois ou quatre semaines au grand maximum et je ne sais pas si on aura la possibilité de disputer quelques matchs amicaux pour nous préparer … Tout cela fait qu’on doit chercher en permanence les meilleurs moyens pour challenger les joueurs à se maintenir au « Top » de leur forme et être fin prêts au démarrage du championnat. Mais s’il y a une chose en lien avec le calendrier qui me tracasse un peu c’est bien les risques de blessures. Après une telle coupure et une préparation physique forcément quelque part tronquée, le risque de blessures sera très élevé. C’est vrai que tout le monde veut rapidement rejouer au football, mais les fédérations devront prendre au sérieux (du moins c’est ce que j’espère) cet aspect physique notamment pour les club ayant des effectifs limités car ils peuvent se retrouver très vite dans une situation très compliquée en cas d’hécatombe de blessures
Les joueurs doivent s’adapter, les fans doivent s’adapter, et nous aussi, entraîneurs, nous devrons nous adapter à cette pandémie …
ETTACHKILA. Et le risque de contagion dans tout ça ?
RADHI JAIDI. C’est un risque qui n’épargne aucun pays et aucun championnat. On doit se doter d’un plan d’action, qui servira de manuel de santé pour tout le monde, et surtout qui donnerait ce sentiment de sécurité et de confiance dont auront besoin tous les protagonistes. C’est le minimum que l’on puisse exiger pour permettre une reprise calme et sereine. Je pense qu’avec le retour à la compétition, les choses ne seront plus comme avant, beaucoup de choses changeront, tant que ce virus ne sera pas encore tout à fait sous contrôle… Les équipes doivent s’adapter, les joueurs doivent s’adapter, les fans doivent s’adapter, et nous aussi, entraîneurs, nous devrons aussi nous adapter à cette pandémie. Le monde d’après ne sera plus jamais le même …
ETTACHKILA. Le ligue professionnelle nord-américaine de soccer n’a toujours pas fixé une date de reprise ? Comment vous le gérez ?
RADHI JAIDI. Yes ! Aucune date de reprise n’a été fixée pour le moment. et c’est très lourd mentalement. Nous vivons au jour le jour, en maintenant le groupe soudé et compact. J’espère que la fédération nous accordera le temps nécessaire à la reprise pour laisser la possibilité au groupe de « revivre » ensemble. Il nous faut au moins quatre semaines pour appliquer notre programme de reprise. Le retour se fera progressivement, il y a un travail spécifique à faire pour chaque joueur, sur les aspects de l’endurance et de l’intensité : par exemple, un joueur de 30 ans n’est pas pareil qu’un joueur de 18 ans, il y a une différence physique, morale et mentale, qu’ont doit prendre en considération. Mais honnêtement, j’ai un groupe qui a un état d’esprit positif et solidaire, qui est aussi réceptif et équilibré, et qui n’attend qu’une seule chose avec impatience : La reprise du championnat !
ETTACHKILA. Votre championnat peut-il s’arrêter, à l’instar d’autres pays tels que les Pays-Bas ou la France ?
RADHI JAIDI. Bien évidemment, que c’est un scénario qui reste envisageable tant qu’on ne trouve pas de solution au Covid-19. Je suis beaucoup ce qui passe dans le monde, et en particulier en Europe. Les gouvernements essaient de contrôler, tant bien que mal, la pandémie, et ça reste rassurant pour nous, amoureux du football. L’exemple de l’Allemagne qui a autorisé ses clubs à reprendre les entraînement et qui devrait terminer son championnat dans quelques semaines, est une très (très très) bonne chose pour tout le monde, même s’il ne s’agit que de l’Allemagne. Nous devons maintenant attendre les verdicts en Angleterre et dans tous les autres pays en Europe ou en Amérique. Tant que le confinement est en place, les décisions seront compliquées à prendre. Il y a beaucoup de négociations entre les gouvernement et les instances sportives de chaque pays, il y a plusieurs options sur la table pour reprendre les compétitions, il faut maintenant en trouver (d’une manière collégiale) la meilleure.. celle qui concilie les aspects sanitaires, sociaux, sportifs et économiques…
L’arrêt du championnat français est quelque part attendu, tout comme les Pays-Bas voire peut-être la Belgique. A partir du moment ou la santé des acteurs du football est en danger, il est tout à fait normal de ne vouloir prendre aucun risque. L’UEFA a déjà prévu de gérer quelques exceptions dans son premier plan, et c’est une évidence que tous les pays n’iront pas au bout de leurs championnats.
Beaucoup de personnes du monde de football, qui vivent « entre les lignes », souffrent financièrement …
ETTACHKILA. Beaucoup de spécialistes alertent sur des pertes économiques colossales en cas d’arrêt des championnats ?
RADHI JAIDI. L’arrêt des championnats peut engendrer des dégâts sportifs et économiques sur tout l’écosystème du football. Je connais très bien le championnat d’Angleterre par exemple, et je sais qu’il y a une grande volonté chez eux de terminer la saison cet été, pour éviter d’éventuelles faillites et des pertes financières monstres en termes de droits télé – qui s’élèveront à des centaines de millions de pounds (ndlr : le cabinet d’audit KPMG estime qu’un arrêt définitif de la saison de la Premier League engendrerait une perte de l’ordre de 1,2 milliard d’euros). Il est très important de trouver une solution qui prenne en considération tous ces aspects, mais d’abord et surtout, la santé des joueurs.
Derrière les clubs riches qui possèdent beaucoup d’actifs et une manne financière confortable, beaucoup ne pourront pas suivre et devront vite trouver des solutions pour résister à cette crise. Les présidents des club dépensent de leurs propre argent pour maintenir les clubs à flot en payant les charges, les salaires des employés.. Sans oublier l’issue incertaine de toutes les sommes avancées par les sponsors ou les partenaires. Franchement, je ne vois pas comment on pourra s’en sortir si un championnat s’arrête …
ETTACHKILA. A votre avis, qui sont les acteurs oubliés de cette crise mondiale ?
RADHI JAIDI. C’est un sujet qui me tient personnellement à cœur … Si je parle de mon cas : je suis arrivé aux USA, pour pouvoir montrer mes capacités comme jeune entraîneur, après une très belle aventure avec les jeunes de Southampton. Aujourd’hui, je me trouve, avant même le coup d’envoi de mon championnat, dans le flou le plus total, sans grande visibilité sur la suite de la saison. Heureusement que je fais toujours partie du « set up » de Southampton quelque part, mais beaucoup d’autres personnes, qui vivent « entre les lignes », souffrent financièrement et ont besoin d’y voir plus clair et de retrouver la compétition.
il va y avoir d’ici quelques semaines, des joueurs qui seront en fin de contrat, des confrères aussi, pour qui j’exprime toute ma solidarité, qui ne sont pas payés ou qui attendent des projets et des opportunités pour la saison prochaine. C’est une situation catastrophique pour beaucoup de monde, et pas uniquement dans le monde du football. Ça va être très délicat pendant les prochaines semaines, voire les prochains mois, pour les personnes fragiles et vulnérables. J’espère que la communauté internationale trouvera rapidement des solutions pour permettre à tous de sortir de cette impasse et repartir de l’avant.
ETTACHKILA. Suivez-vous ce qui se passe en Tunisie ?
RADHI JAIDI. Oui, je suis toujours ce qui se passe en Tunisie, et malheureusement, nous ne ferons pas l’exception par rapport à cette pandémie qui touche le monde entier. Je trouve que le gouvernement essaye de gérer cette situation avec le peu de moyens qui existent. Vous savez, en général, les tunisiens sont plutôt « classés » comme un peuple impatient, mais moi je vois beaucoup de choses positives récemment. La plupart des gens respectent les règles sanitaires et ont montré un excellent esprit d’entraide et de partage y compris dans le monde du sport, et du football en particulier. C’est une rude épreuve pour la Tunisie et le monde arabe, il faut rester plus que jamais solidaires et unis durant ce mois saint de Ramadan.
La fédération tunisienne de football est certainement entrain de travailler sur un plan de reprise des championnats, cette réflexion doit embarquer tous les acteurs du ballon rond, que ce soit les clubs, les responsables, les joueurs et ou les entraîneurs. Le mot d’ordre qui doit primer pour tout le monde c’est : Protéger la santé et l’intégrité des tunisiens.
ETTACHKILA. On vous laisse le mot de la fin Radhi ?
RADHI JAIDI. Honnêtement, il est très important que tout le monde prenne du recul… Il faut continuer à discuter, échanger et rassurer surtout les plus fragiles. Je pense à ma famille du football : joueurs, entraîneurs ou propriétaires de clubs, on doit rester solidaires, unis, pour pouvoir avancer ensemble… En espérant que le monde de la science puisse avancer dans ses recherches et trouver une solution à ce virus.. Nous retournerons à notre vie normale, à nos activités, nos rituels, aux gens que nous aimons.. mais nous retournerons plus lucides et ayant retenu les leçons qu’il faut de cette épreuve… InchALLAH !
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