Sabri Gmir : Je rêve de voir la Tunisie à la coupe de Monde …

RUGBY - Nous sommes allés à la rencontre de Sabri Gmir, l'ailier tunisien de l'UCS , qui nous a parlé de sa passion pour le rugby, de son rapport avec la Tunisie et son aventure avec Béziers. Entretien.

ETTACHKILA. Bonjour Sabri, peux-tu te présenter aux lecteurs d’Ettachkila qui ne te connaissent pas ?  

SABRI GMIR. Bonjour à vous, je m’appelle SABRI GMIR , je suis originaire de Nabeul en Tunisie. Je suis international tunisien de rugby, formé au Stade Nabeulien, et j’évolue actuellement à l’Union Cognac Saint-Jean-d’Angély, dans la région de la Charente dans le sud-ouest de la France.

ETTACHKILA. Tu peux nous parler un peu plus de tes débuts avec le sport et le rugby en particulier ?

SABRI GMIR . Depuis mon enfance, j’ai pratiqué beaucoup d’activités sportives (le football, l’athlétisme, le handball …) avant de finalement me fixer sur le rugby à l’âge de 14 ans. Pour l’anecdote, c’était du pur hasard [sourire] : Alors que j’attendais mon père à la sortie de son boulot (qui était à deux pas du stade de Nabeul), deux « copains » de passage m’ont invité à suivre leur entrainement du rugby. Après quelques essais, je suis vite tombé amoureux du ballon ovale, qui ne me quitte plus depuis presque vingt ans. Sur le terrain, j’ai évolué à plusieurs postes, d’abord comme talonneur, ensuite comme ailier et demi de mêlée.

Soyons honnêtes, peu de monde s’intéresse au rugby en Tunisie, les gens suivent plutôt le football, le handball ou le Basketball …

Sabri Gmir

Mon expérience en Tunisie avec le Stade Nabeulien, m’a beaucoup apporté tant sur le plan personnel que collectif. J’ai fait mes premiers pas dans le monde de l’ovalie là-bas, où j’ai côtoyé d’excellentes personnes et débuté ma carrière internationale.

ETTACHKILA. Quel est ton point de vue sur l’Ovalie en Tunisie ?

SABRI GMIR . En Tunisie, il y a beaucoup de potentiel et de bons joueurs, mais on manque cruellement de moyens et d’encadrement, surtout pour les jeunes. Malgré ce grand vivier, les joueurs sont souvent livrés à eux-mêmes, sans beaucoup d’accompagnement durant leurs carrières … Il existe de bonnes infrastructures sportives pour développer la pratique du rugby, mais malheureusement, depuis la révolution, ce sport est délaissé et peu de personnes le suivent. J’invite les dirigeants et les responsables en Tunisie à sauver le rugby, à croire en cette jeunesse pétrie de talent. J’invite même les clubs français à suivre les jeunes pépites en Tunisie. Y a le niveau pour aller très loin et côtoyer le haut niveau mondial. Je rêverais de voir un rugbyman tunisien dans le TOP 14 par exemple …

ETTACHKILA. Parlons de tes expériences en France, comment ça s’est passé ?

SABRI GMIR . Pour la petite histoire, j’avais tenté une première expérience à la Tremblade (un club de la fédéral 3) en 2007, qui n’a duré qu’un an, avant de retourner au Stade Nabeulien. Deux ans après, j’étais repéré par le sélectionneur tunisien de l’époque Robert Antonin, qui m’a encouragé à retenter ma chance en France, et a beaucoup facilité mon arrivée au Rugby club de Compiègne en 2009.

ETTACHKILA. Ensuite, une belle histoire commence avec Béziers ?

SABRI GMIR . Oui, après une très bonne première saison avec Compiègne en fédéral 2, j’ai été contacté par Jean-Luc Basquez (Un agent connu dans le monde du rugby) pour collaborer ensemble. Quelques semaines après, Béziers s’est manifesté et a montré beaucoup d’intérêt pour me récupérer… Au départ, je me suis posé des questions sur le niveau global (Béziers évoluait alors en Fédéral 1) et sur mon éventuelle adaptation avec ce nouveau challenge. J’ai fini par m’accorder cette chance d’aller plus loin dans ma carrière et mes ambitions, et j’ai signé à Béziers …

Mon arrivée s’est très bien passée, je me suis bien intégré dans le groupe et j’étais très bien accueilli par toute l’équipe et en particulier le coach Jean Anturville (ndrl : victime d’un malaise cardiaque, Jean Anturville décédéra en Octobre 2019). J’ai passé des bons moments avec ce club, les supporteurs m’appréciaient beaucoup et m’ont même surnommé « le petit prince de Béziers« . C’est une ville historique, qui vit au rythme du rugby, et qui aime les joueurs qui se donnent à fond et défendent crânement les couleurs du club. J’ai fait une montée en Pro D2 avec Béziers, j’ai même disputé avec eux les quarts de finale pour accéder au TOP 14, et j’ai joué avec des grands noms du rugby mondial, comme les Français Jean-Baptiste Peyras-Loustalet et Rémy Martin ou le New-Zélandais Andrew Mehrtens.

C’était une grande fierté pour moi de jouer avec des rugbymans qui ont évolué au plus haut niveau, et cette aventure avec Béziers restera comme l’une des plus belles pages de ma carrière.

ETTACHKILA. Quel joueur de Rugby t’as marqué et quelle équipe apprécies-tu en TOP 14 ?

SABRI GMIR . C’est vrai que j’ai quelques idoles de l’ovalie, mais j’aime beaucoup Cheslin Kolbe l’ailier des Springboks (surnom de l’équipe d’Afrique du Sud de rugby). Je suis aussi le TOP 14 et j’aime bien le Stade Toulousain, une équipe qui donne beaucoup de plaisir à voir jouer. C’est un régal d’assister à leurs matchs.

ETTACHKILA. Revenons au XV de la Tunisie, selon toi, quels seraient les moyens à mettre en ouvre afin de combler le fossé entre la Tunisie et les autres nations émergentes du Rugby ? 

SABRI GMIR .  Historiquement, ma génération a réussi à rivaliser avec des grandes nations du ballon ovale, comme l’Écosse, la France, l’Australie ou l’Afrique du Sud par le travail et la persévérance. J’ai personnellement disputé trois coupes de monde de rugby à sept, beaucoup de tournois du World Rugby Sevens Series et des coupes d’Afrique, perdues souvent de justesse face à la Namibie. Tout ça, était le fruit de beaucoup de travail et d’une stratégie élaborée sur le court et moyen terme. Je doit également remercier Mr Fathi Hachicha, l’ancien président de la fédération tunisienne du rugby, qui a mis les moyens pour nous permettre de faire des stages de deux ou trois mois aux Fidji, avec plusieurs tournois et matchs amicaux. Tout ceci a permis à notre groupe de grandir, de gagner en expérience et de rivaliser avec les autres nations de l’ovalie.

Je pense la génération actuelle en Tunisie possède un bon potentiel, mais elle manque d’expérience pour franchir un palier. On ne doit pas se mentir, sans les moyens financiers et les matchs amicaux, il ne faut pas se donner de faux espoirs. Le rugby évolue très vite, et malheureusement la bonne volonté ne suffit plus. Les valeurs du rugby se perdent petit à petit et les enjeux financiers et économiques sont entrain de prendre le dessus sur le rugby que j’ai connu à mes débuts.

Il est maintenant essentiel de multiplier les stages à l’étranger, car ça aide beaucoup pour l’apprentissage des jeunes joueurs. Il faut également penser à mettre des gens plus compétents à la Fédération, des gens qui travaillent uniquement pour l’intérêt du rugby tunisien.

Le rugby est une belle expérience dans ma vie, qui m’a beaucoup apporté et m’a aidé dans mon développement personnel et professionnel

Sabri Gmir

ETTACHKILA. Quelles souvenirs gardes-tu de la Tunisie ?

SABRI GMIR . (il réfléchit un peu) J’en garde des très bons, j’ai partagé des moments de joie et aussi de galère avec une bande de frères et j’ai évolué avec des joueurs très talentueux, qui n’ont peut-être pas eu leurs chances au plus haut niveau, comme Lotfi Nino ou Khaled Zaghdan. qui ont marqué l’histoire du rugby tunisien. Je garde aussi d’excellents souvenirs de ma participation à la coupe de monde de rugby à sept en 2005 et en 2009. Mais, soyons honnêtes, peu de monde s’intéresse au rugby en Tunisie, les gens suivent plutôt le football, le handball ou le basketball. Les médias ne donnent beaucoup d’importance au rugby ou à l’athlétisme par exemple, malgré que nous avons failli participer à la Coupe de Monde en 2011, que nous avons participé à plusieurs coupes d’Afrique, et à trois coupe de Monde de rugby à sept. Je trouve ça vraiment dommage …

ETTACHKILA. On te laisse le mot de la fin Sabri

SABRI GMIR . Le rugby est une belle expérience dans ma vie qui m’a beaucoup apporté et m’a aidé dans mon développement personnel et professionnel. J’ai vécu des moments mémorables avec Béziers et la sélection tunisienne. J’ai disputé de grandes compétitions internationales, j’ai fini meilleur joueur et meilleur marqueur de la Fédéral 1. Je suis très fier de mon parcours en clubs et en sélection et si j’ai un rêve, ce serait de voir un jour la Tunisie à la Coupe du monde de rugby à XV, INCHALLAH !